Edito
07H51 - mercredi 28 mai 2025

La loi sur la fin de vie est (finalement) une loi de gauche ou de droite ? L’édito de Michel Taube

 

Vote loi fin de vie - Falorni - loi de gauche et du centreNotre propos n’est pas ici d’entrer dans les arcanes moraux, médicaux ou philosophiques du débat sur la fin de vie. Ce débat traverse chacun d’entre nous, et nous oblige. Il transcende les idéologies et les convictions politiques, ou du moins il le devrait. Comme le suggérait le président de la République Emmanuel Macron dans une fulgurance dont il a le secret, nos chers politiques, grâce à un remarquable chef d’orchestre en la personne du député Olivier Falorni, ont su faire preuve de dignité et « regarder la mort en face ».

Et pourtant, à regarder les votes pourtant libres des députés de l’Assemblée nationale, une vérité surgit : la loi légalisant l’aide à mourir est portée par la gauche et le centre, et rejetée majoritairement par la droite.

L’écrasante majorité des députés insoumis, socialistes, écologistes, centristes du MoDem et macronistes ont voté pour cette loi, avec l’enthousiasme ou la gravité des militants d’une cause juste. À l’inverse, la droite républicaine, le parti d’Éric Ciotti et le Rassemblement national, à quelques exceptions près, ont voté contre, au nom d’un principe moral ou religieux que d’aucuns qualifieront d’ancien monde.

Ce clivage n’est pas anodin. Il en dit long sur l’orientation profonde du personnel politique français et probablement des Français. Car ce qui se dessine ici, c’est que sur toutes les grandes questions dites « de société » — fin de vie, bioéthique, GPA, cannabis, identité, religion —, la France politique continue à pencher vers une forme de progressisme et de modernité assumés, incarnés par une alliance de fait entre les libéraux sociétaux et les gauches. 

Sur les sujets régaliens, la France est de droite. Sur les sujets sociétaux, elle est de gauche ou du centre. A l’interstice du régalien et du sociétal, il y a aussi le social et la question économique sur lesquels les Français sont attachés à des mesures socialiisantes, dirigistes pour ne pas dire étatistes.

Ce grand écart idéologique, cette synthèse impossible font déjà le lit d’un duel épique pour la présidentielle de 2027. Elle pourrait bien se jouer là, dans cette tension entre ordre et liberté, entre compassion et valeurs, entre société et civilisation.

Au final, nous avons peut-être tort : historiquement, la droite a longtemps été libérale et du côté des libertés individuelles plus que de l’égalité. Celle de disposer de son corps en fait certainement partie. En Allemagne (CDU), en Suisse et parfois aux Etats-Unis (John Mc Cain et Mitt Romney l’ont incarné), c »est la droite qui a défendu le droit de mourir dans la dignité. Mais en France il y a longtemps que le brouillage politicien et la perte de repères clairs ont rendu impossible le choix de faire correspondre ses valeurs (ordre et liberté) avec ses choix politiques.

 

Michel Taube

Directeur de la publication