Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a lancé un signal d’alarme mardi 13 mai 2025 en adoptant à l’unanimité un avis sur la montée des eaux dans les Outre-mer. Le rapport, transmis aux deux chambres du Parlement et au gouvernement, dresse un constat sans appel : la montée du niveau des océans, causée par le changement climatique, menace déjà directement les territoires ultramarins français et exige une réponse politique rapide et massive.
Les auteurs de ce rapport, parmi lesquels le Martiniquais Pierre Marie-Joseph, soulignent que les Outre-mer sont en première ligne. Ils concentrent plus de 70 % du littoral national, sont densément urbanisés sur les bandes côtières, et disposent d’écosystèmes fragiles qui les rendent particulièrement vulnérables. Les impacts sont déjà visibles : à Anse Belleville en Martinique, le trait de côte a reculé de plus de 130 mètres en soixante ans ; au Prêcheur, les ouvrages de protection ont été submergés par la houle ; à Saint-Pierre-et-Miquelon, le village de Miquelon est en cours de déplacement, un cas inédit de réfugiés climatiques français. En Guyane, les débordements fréquents des fleuves amazoniens provoquent des inondations plus intenses à l’intérieur des terres. Autant d’exemples concrets qui montrent que la menace n’est plus à venir, elle est déjà là.
Dans ce contexte, le CESE appelle à un changement radical de stratégie. Il recommande de renforcer le financement public dédié à l’adaptation, en intégrant les besoins des Outre-mer dans tous les dispositifs budgétaires, qu’il s’agisse du fonds climat, du fonds Barnier ou du fonds vert, jusqu’ici mal adaptés à des phénomènes comme l’érosion côtière, qui échappent à l’assurance des catastrophes naturelles. Le rapport insiste également sur la nécessité d’une gestion territorialisée : les collectivités ultramarines doivent disposer d’un interlocuteur unique au sein de la préfecture pour coordonner les réponses, revoir les plans d’urbanisme, anticiper les zones de repli et planifier la relocalisation des infrastructures en danger.
Le CESE défend également une approche reposant sur les solutions fondées sur la nature. Restaurer les mangroves, protéger les récifs coralliens, réhabiliter les zones humides et les herbiers marins permet de ralentir l’érosion et de renforcer la résilience des littoraux tout en impliquant les populations locales. Ces stratégies naturelles, moins coûteuses que les grands travaux, offrent un délai précieux pour mieux préparer les territoires à long terme.
Autre axe jugé prioritaire : la sensibilisation. La perception du risque reste inégale, notamment chez les jeunes et dans les milieux économiques. Le CESE propose de généraliser les éco-délégués dans les classes, d’organiser des “COP jeunes” dans les établissements scolaires, de développer les aires marines éducatives, et d’impliquer les entreprises via leurs comités sociaux et économiques dans la prévention des risques liés à la montée des eaux.
Ce rapport, bien que consultatif, marque un tournant. Les Outre-mer, souvent oubliés des grandes politiques nationales d’aménagement, réclament désormais des réponses à la hauteur de l’enjeu. Le CESE, en les plaçant au centre du débat climatique, interpelle l’État : l’heure n’est plus à la discussion mais à l’action.