Au petit matin du 11 mai, Fort-de-France a vacillé sous le fracas des détonations : trois hommes abattus rue Ernest-Deproge, la panique dans l’hypercentre. Dans les heures qui ont suivi, le préfet de Martinique Etienne Desplanques a convoqué, le 12 mai, le procureur de la République et le maire de la ville pour riposter d’un seul bloc face à une violence urbaine que plus personne n’ignore.
Dès lundi matin, les policiers nationaux ont multiplié les patrouilles pédestres, investissant les artères commerçantes et les places publiques, là où, quelques heures plus tôt, des rafales avaient semé la terreur. Chaque véhicule suspect fait l’objet d’un contrôle, jusqu’aux deux-roues traditionnellement épargnés. La police municipale, jusque-là cantonnée à la verbalisation routière, se déploie désormais en collaboration étroite avec la police nationale : uniformes croisés, renforts mutuels, et mêmes rondes mixtes dans les quartiers sensibles.
Conscient que le week-end est souvent synonyme de libations tardives et d’affrontements, le préfet a décidé de faire appel à la gendarmerie mobile. Des unités spécialisées seront positionnées dès le vendredi soir autour des lieux festifs du Lamentin et de Schoelcher, en soutien aux forces locales. Les barrages routiers installés aux points d’entrée de l’agglomération visent à empêcher l’importation d’armes et de stupéfiants, trop souvent au cœur de ces violences.
La vidéosurveillance, longtemps promise mais tardive, connaît un coup d’accélérateur. La collectivité et la préfecture ont signé un plan d’installation de 150 caméras supplémentaires : éclairage nocturne des zones commerciales, angles morts des grands boulevards, et abords des établissements scolaires. Toutes seront raccordées à un centre de commandement opérationnel, en activité 24 h/24, où chaque opérateur pourra déclencher des interventions en temps réel.
Au large, c’est la lutte contre le grand banditisme qui s’intensifie. L’opération SCOTOPELIA, lancée en février 2025 pour démanteler les filières de yoles servant au trafic maritime d’armes et de drogue, est désormais pérennisée. Les douanes bénéficieront de radars côtiers et d’un drone de surveillance dès juin, tandis que la Marine nationale maintient ses patrouilles au large des côtes, déjà créditées de la saisie de dix tonnes de cocaïne ce seul premier trimestre. À l’aéroport, les équipes cynophiles croissent en nombre pour fouiller bagages et soutes.
Côté judiciaire, l’indignation trouve un écho concret. La nouvelle loi sur le crime organisé, entrée en vigueur en avril, offre aux magistrats des prérogatives renforcées : perquisitions élargies, gel accéléré des avoirs, coopération directe entre Antilles et métropole. Un état-major dédié à cette lutte se met en place en région parisienne, garantissant un suivi permanent des réseaux armés ultramarins.
Le préfet a salué les résultats d’un premier trimestre encourageant : 51 armes à feu et plus de 400 kg de stupéfiants saisis sur l’île, un effort inédit. Mais il l’admet lui-même, ces chiffres ne seront réellement significatifs que si l’on parvient à transformer cette présence policière et ce dispositif technologique en sentiment réel de sécurité pour les Foyalais – un pari aussi politique que sécuritaire.
Reste à voir si, dans les semaines qui viennent, cette riposte d’envergure suffira à briser le cycle des règlements de compte et à restaurer la tranquillité d’un centre-ville trop souvent livré à ses ombres. Face à la détermination de l’État, c’est toute une société qui est invitée à se saisir du défi : commerces, riverains, collectivités et usagers devront, eux aussi, jouer le jeu de la vigilance partagée pour que Fort-de-France retrouve, à la fois, sa vie et sa quiétude.
Patrice Clech
Opinion Internationale