Le 12 mai, en plein climat de crise post-insurrectionnelle, le gouvernement de Nouvelle-Calédonie et huit organisations syndicales ont signé un accord-cadre fixant une trajectoire de réformes sociales, fiscales et économiques pour les cinq prochaines années. L’objectif : rééquilibrer les comptes sociaux tout en préservant le pouvoir d’achat et en relançant l’emploi et la compétitivité.
Parmi les mesures phares figurent le basculement d’une partie des cotisations sociales vers une fiscalité à assiette large, la réforme de la taxe générale à la consommation, la fusion de la contribution calédonienne de solidarité avec l’impôt sur le revenu, et l’allègement progressif de l’impôt sur les sociétés. Du côté social, l’accord propose d’étendre l’intéressement dans les entreprises de 11 à 50 salariés, de défiscaliser certaines primes, de renforcer l’alternance et l’insertion, et de créer une plateforme numérique de l’emploi pour fluidifier le marché du travail.
« Il fallait démarrer les travaux au plus vite, pas pour l’État mais pour la Nouvelle-Calédonie », a souligné Alcide Ponga, président du gouvernement, rappelant l’urgence de restaurer confiance et dynamique économique. Christopher Gyges, responsable de l’économie et de la fiscalité, a salué le « courage » des syndicats d’être venus à la table des négociations malgré des divergences de fond. Alexis Falematagia (Usoenc) a résumé : « On n’est pas d’accord sur tout, mais on a le devoir d’offrir des perspectives ».
Pourtant, deux syndicats majeurs — FO et la Fédé — ont refusé de parapher l’accord, qualifiant ses mesures de « socialement inacceptables ». Selon eux, l’augmentation des taxes et l’élargissement de l’assiette risquent de peser sur les plus démunis, tandis que les allègements profiteraient surtout au patronat, en échange d’une relance de l’emploi jugée « hypothétique ».
Cette absence de consensus jette une ombre sur la feuille de route tracée : si les premiers textes législatifs doivent être présentés d’ici quinze jours, leur adoption dépendra de l’arbitrage politique — rendu plus complexe par les élections provinciales à venir, comme l’a rappelé Tony Dupré (Cogetra). Alors que le PIB local a reculé de 10 à 15 % en 2024 et que près de 12 000 emplois salariés ont disparu après les émeutes de mai 2024, l’enjeu n’est pas seulement technique, mais bel et bien social : comment partager équitablement une croissance encore chancelante ?
Au-delà des chiffres, c’est la question de la cohésion sociale qui se pose : derrière la signature, c’est une promesse d’apaisement — et une mise à l’épreuve de la capacité des partenaires à transformer l’accord en actions concrètes. Si l’élargissement de l’intéressement et la défiscalisation de primes peuvent redonner du pouvoir d’achat, la réussite du plan reposera sur le respect du calendrier, la qualité des études d’impact et, surtout, la confiance que les Calédoniens sauront placer dans ces réformes.
Un an après la crise du 13-Mai, la Nouvelle-Calédonie tient-elle avec cet accord-cadre une boussole pour se relever ? Rien n’est moins sûr et reste désormais à prouver qu’il ne s’agissait pas d’un compromis de papier, mais du moteur d’une relance durable, capable de conjuguer justice sociale et attractivité économique.