
Il y a un an, la Nouvelle-Calédonie basculait dans l’inconnu : du 13 au 16 mai 2024, des milliers de manifestants ont investi les rues, incendiant entreprises, administrations et biens publics. Théâtre d’une crise insurrectionnelle rare, l’archipel a payé un lourd tribut : sept personnes tuées dont deux gendarmes, plus de 975 blessés (765 policiers et gendarmes, 198 civils), près de 6 000 « insurgés » interpellés hors Nouméa et un nombre équivalent en zone police.
Dès les premiers jours, plus de 2 500 garde à vue ont été diligentées, essentiellement pour atteintes aux biens ; 502 suspects ont été déférés, 243 écroués. Les tribunaux ont ouvert près de 5 000 procédures, dont 700 restent en suspens. Malgré ce maelström judiciaire, l’instruction n’a pas manqué d’ampleur : la justice se retrouve à gérer un dossier comparable à un conflit armé, plutôt qu’à une simple flambée urbaine. Les princjpaux leaders de l’insurrection ont été envoyés en métropole en attendant de leur jugement.
Sur le front économique, l’impact a été tout aussi brutal. Le PIB calédonien a chuté de 10 à 15 % en 2024 – un retour dix ans en arrière – et a perdu près de 11 600 emplois salariés privés entre fin mars et fin décembre, ramenant les effectifs sous la barre des 60 000 salariés pour la première fois depuis 2010. Les indépendants n’ont pas été épargnés : 1 470 d’entre eux ont disparu du paysage économique.
Le bilan des dégâts matériels frise l’apocalypse : près de 500 établissements détruits selon le gouvernement Mapou, jusqu’à 800 entreprises impactées d’après la CCI, pour un coût estimé à 240 milliards CFP (2 milliards €). Hôtels, concessions auto, centres commerciaux : tout a brûlé ou a été vandalisé. Les assurances ont enregistré 3 480 sinistres, versant 35,3 milliards CFP d’indemnités, pour 112,4 milliards CFP de provisions globales.
Face à ce saccage, l’État a décaissé plus de 357,8 milliards CFP en 2024 : transferts de droit commun (202 milliards CFP), dépenses de crise civile et militaire (41,7 milliards CFP), soutien au nickel (41 milliards CFP) et aides exceptionnelles aux entreprises et collectivités (71 milliards CFP). Un déluge financier équivalant à 120 000 CFP par habitant, 50 % de plus que dans les autres outre-mers. Ces sommes, aussi colossales soient-elles, peinent à colmater toutes les brèches : la reconstruction faudra-t-elle deux ans, cinq ans ? Les collectivités, déjà fragilisées, redoutent un exode massif : plus de 10 700 départs nets comptabilisés en 2024 à l’aéroport, quand le recensement fera peut-être écho d’une saignée démographique.
Au-delà des chiffres, des vies ont basculé : une femme enceinte dont l’acheminement vers la maternité a été retardé par les barrages, un dialysé privé de soin, un motard fauché par une carcasse en flammes – autant de drames silencieux, collatéraux aux émeutes, non officiellement comptabilisés.
À l’heure du bilan, la Nouvelle-Calédonie se tient à la croisée des chemins : restaurer un ordre républicain, panser les plaies sociales, reconquérir la confiance d’une jeunesse désenchantée et tirer les leçons d’une crise où chaque case dévastée, chaque emploi perdu ont laissé une empreinte indélébile. Le défi ne tient plus seulement dans la somme des milliards injectés ; il réside dans la capacité de ce territoire singulier à lever les obstacles de la discorde et à bâtir, sur les cendres du 13-Mai, un avenir durable.
La Rédaction d’Opinion Internationale

















