Le 10 mai 2025 restera comme un jour d’histoire. Non pas seulement parce qu’il suivait les commémorations du 8 mai 1945, mais parce qu’il a marqué, à Kiev, le grand retour de l’Europe stratégique. Oui, l’Europe politique, l’Europe de la défense, l’Europe qui se tenait à l’écart des rapports de force, a enfin compris que son destin ne se jouait pas dans les bureaux de Bruxelles, mais dans les tranchées de l’Histoire.
C’est à Kiev, symbole tragique de la résistance ukrainienne face à la barbarie de Vladimir Poutine, qu’a été paraphé un traité d’amitié entre la France et la Pologne. Un signal fort, envoyé au monde entier : l’Europe de l’Ouest et l’Europe de l’Est ne seront plus les deux continents d’un même rêve, mais les piliers d’une seule volonté. Autour de cette initiative, une coalition des volontés s’est dessinée : l’Allemagne, le Royaume-Uni, mais aussi les institutions européennes ont acté la nécessité d’investir massivement dans les capacités de défense. Non plus pour dépendre des Américains. Mais pour mieux coopérer avec eux.
Car à Washington, le vent tourne. À Moscou, Vladimir Poutine s’enfonce dans la propagande et la mégalomanie, comme en témoigne ce 9 mai où les autocrates du « Sud global » sont venus applaudir un tyran en guerre. Et à Washington, Donald Trump, d’abord séduit par une posture isolationniste, commence à changer de cap. Le mépris affiché par Moscou, les provocations du Kremlin, la lassitude croissante face à une guerre qui s’éternise : tout pousse l’ancien président redevenu candidat, voire plus, à revoir ses positions. L’Europe qui s’arme, l’Europe qui s’assume, rassure Washington. Et Trump, stratège autant qu’opportuniste, l’a compris.
C’est ainsi que se redessine une nouvelle architecture : une Europe pilier stratégique de l’Alliance atlantique, plus autonome mais pas indépendante des États-Unis. Le vieux rêve gaullien d’une Europe puissance, moqué hier, devient aujourd’hui une réalité concrète, forgée dans le fracas de la guerre et la douleur des peuples.
Et si l’on cherche un symbole, il est à Kiev. Le 10 mai 2025. Une ville martyre, qui devient le théâtre de la résurrection d’un continent trop longtemps endormi.
Michel Taube