Opinion Outre-Mer
17H52 - vendredi 9 mai 2025

Martinique : la violence armée franchit un nouveau seuil ?

 

La nuit du5au6mai dernier a une nouvelle fois endeuillé Fort-de-France: un homme d’une trentaine d’années, touché par arme blanche placeFrançois-Mitterrand, a succombé à ses blessures avant l’arrivée des secours. Les enquêteurs de la PJ confirment qu’il s’agit du neuvième homicide enregistré depuis le 1ᵉʳ janvier2025 (martinique.franceantilles.fr, RCI). À peine deux heures plus tard, à Acajou (Lamentin), un homme de32ans et une femme de42ans étaient évacués, blessés par balles dans une rue déjà marquée par de précédentes fusillades(martinique.franceantilles.fr). Le week-end avait déjà été sanglant: dans la nuit du3au4mai, un trentenaire a été abattu à Volga-Plage tandis qu’un autre homme, 37ans, était grièvement blessé à Sainte-Anne, évacué en hélicoptère vers le CHUM de LaMeynard(martinique.franceantilles.fr, RCI, RCI). Deux semaines plus tôt, le 17avril, une fusillade à Rivière-Roche coûtait la vie à un adolescent de17ansseptième homicide de l’année à cette date— et accentuait le climat d’insécurité dans la capitale(martinique.franceantilles.fr, RCI).

 

Un territoire déjà parmi les plus meurtriers de France

Ces drames s’ajoutent à un bilan 2024 déjà lourd: 24meurtres, dont 17 par arme à feu, plaçant la Martinique au troisième rang des collectivités françaises pour le taux d’homicides, derrière la Guyane et la Guadeloupe, selon les statistiques du ministère de l’Intérieur relayées par France-Antilles(martinique.franceantilles.fr). Les spécialistes de la PJ notent que la part des armes à feu continue d’augmenter, alimentée par un trafic que le préfet qualifie de «massif et protéiforme».

 

Vie chère, tensions sociales et regain de violence

Les autorités lient cette flambée de violence à un contexte social explosif. À l’automne2024, la mobilisation contre la vie chère menée par le collectif RPPRAC a dégénéré en émeutes nocturnes; le préfet a dû instaurer un couvre-feu sur Fort-de-France et quatre communes voisines jusqu’au 4novembre(Le Monde.fr, BFMTV). Des affrontements, dont des tirs à balles réelles sur des gendarmes, avaient suivi l’intrusion du leader RodriguePetitot dans la résidence préfectorale les 11-12novembre(L’Essor). Le militant, devenu figure d’une jeunesse exaspérée par des prix alimentaires 40% plus élevés qu’en métropole(Insee), sera jugé en janvier2026 pour «violences en réunion»(BFMTV). Pour rétablir l’ordre, le ministère de l’Intérieur a mobilisé en septembre la CRS8, unité spécialisée dans les violences urbaines, qui n’était plus intervenue en Martinique depuis 1959(Antilla Martinique). Si le dispositif a permis d’éviter de nouveaux pillages massifs, les syndicats de police jugent l’effectif «structurellement insuffisant»une centaine d’agents martiniquais avaient manifesté devant le commissariat central le 25novembre dernier pour dénoncer leurs conditions de travail(martinique.franceantilles.fr, Opinion Internationale).

 

Premières réponses locales

Face à l’urgence, la municipalité de Trinité a réactivé, le 12avril2025, son Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), resté inactif cinq ans, afin de mieux coordonner police, justice et associations de quartier(martinique.franceantilles.fr). Le préfet promet parallèlement une «cellule mobile d’intervenants de rue», tandis que le rectorat renforce la médiation scolaire dans les établissements les plus exposés.

 

Enjeu touristique et image internationale

À moins d’un mois du lancement de la haute saison touristique, les acteurs économiques redoutent une crise d’image: la Martinique, où le tourisme pèse plus de 7% du PIB, ne peut se permettre la répétition des scènes de violence diffusées sur les réseaux sociaux. Les hôteliers appellent à un plan de sécurisation des zones balnéaires et des axes aéroportuaires, rappelant que trois des neuf homicides de 2025 ont été commis dans des secteurs fréquentés par les visiteurs(RCI, martinique.franceantilles.fr). Pour l’heure, chaque sirène qui fend la nuit martiniquaise sonne comme un avertissement: sans action concertée sur l’insécurité et la vie chère, l’île aux fleurs risque de s’enfoncer dans une spirale où la peur efface, peu à peu, la douceur des rivages caraïbes.

 

La Rédaction d’Opinion Internationale