Le 8 mai résonne à plusieurs fuseaux horaires : de Papeete à Saint-Pierre-et-Miquelon, les cloches, sirènes ou chants d’hymnes rappellent la fin du second conflit mondial et le rôle essentiel joué par les territoires ultramarins. Dans l’océan Pacifique, la Polynésie française a rendu l’an dernier un hommage appuyé aux « Tamarii volontaires », ces adolescents qui quittèrent Raiatea ou Moorea pour rejoindre le Bataillon du Pacifique ; la cérémonie du 80ᵉ anniversaire s’est déroulée avenue Pouvanaa-a-O-opa, sous la présidence du secrétaire général du Haut-commissariat, en présence du président Moetai Brotherson et d’anciens combattants, témoins devenus rares d’un engagement qui fait encore la fierté des familles polynésiennes.
Dans les Antilles, la mémoire se réaffirme chaque année. À Petit-Bourg, en Guadeloupe, la municipalité a placé les commémorations du 8 mai 2025 sous le signe de « l’engagement citoyen » : fanfare, défilé intergénérationnel et dépôt de gerbes souligneront le centenaire du Bleuet de France et le 80ᵉ anniversaire de la victoire, tandis que le maire David Nebor appelle la population « à faire du devoir de mémoire un acte de civisme ». En Martinique, la Savane de Fort-de-France a retrouvé en 2024 sa solennité : drapeaux au vent, minute de silence et rappel, par un officier de marine, du prix payé par les Antillais à une guerre « lointaine mais douloureusement ressentie sur l’île ».
Du côté de l’océan Indien, La Réunion a multiplié les cérémonies : Saint-Denis, Le Port, Saint-Paul ou Saint-Leu ont mobilisé élus, militaires, jeunes sapeurs-pompiers et conseils municipaux d’enfants pour faire passer le flambeau ; à Saint-Gilles-les-Hauts, le discours municipal insistait sur « la reconnaissance due aux résistants réunionnais ». À Mayotte, la prise d’armes organisée devant la préfecture de Mamoudzou, a rappelé, en ces temps de crise post-cyclone, et malgré les tensions sociales du moment, que l’archipel s’inscrit pleinement dans l’histoire militaire nationale.
En Guyane, place du Coq à Cayenne, la chorale municipale a entonné la Marseillaise après la remise de décorations par le préfet Antoine Poussier ; l’accent a été mis sur la transmission, symbole fort quand la jeunesse guyanaise peine souvent à trouver des repères communs. En Nouvelle-Calédonie enfin, au terme d’une visite très controversée du ministre Manuel Valls, le monument de la place Bir-Hakeim à Nouméa et celui de Boulari au Mont-Dore ont accueilli les revues de troupes, médailles et moments de recueillement ; les autorités civiles ont rappelé que la Grande-Terre avait servi de tremplin logistique aux forces alliées dans tout le Pacifique Sud.
Au-delà de la géographie, ces cérémonies racontent une même histoire : celle d’îles et de départements souvent éloignés de l’Hexagone mais intimement liés à la construction de la nation. Chaque discours, chaque dépôt de fleurs insiste aujourd’hui sur trois messages : la contribution décisive des soldats ultramarins, la place centrale de la jeunesse — scouts en uniforme à Papeete, collégiens lecteurs de messages officiels à Saint-Denis, cadets de la fanfare de Petit-Bourg — et la volonté d’inscrire ce souvenir dans un présent traversé par d’autres conflits. Dans un contexte où la cohésion nationale est régulièrement interrogée, le 8 mai offre aux territoires d’outre-mer l’occasion de réaffirmer qu’ils ne sont pas seulement « périphériques » : ils sont la preuve vivante que la République s’est construite au-delà de l’Europe et qu’elle continue de se penser à l’échelle des océans.
À l’aube du 80ᵉ anniversaire de la capitulation nazie, les comités d’anciens combattants et les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon avaient annoncé une « journée exceptionnelle » : prise d’armes, exposition pédagogique et veillée aux flambeaux destinée à « porter la mémoire jusqu’aux quais du Grand-Nord ».
Partout, la même préoccupation domine : faire de la commémoration un ciment et non un rituel figé. Dans les Outre-mer, le 8 mai n’est donc pas seulement une page d’histoire ; c’est un miroir où se lisent les sacrifices d’hier, les attentes d’aujourd’hui et l’assurance, pour les ultramarins, que leur voix compte dans le récit commun.
La Rédaction d’Opinion Internationale