Opinion Outre-Mer
12H10 - jeudi 8 mai 2025

8 Mai 1945 : la mémoire ultramarine unit les océans

 

8 mai 45 outre mer

Le 8 mai résonne à plusieurs fuseaux horaires: de Papeete à Saint-Pierre-et-Miquelon, les cloches, sirènes ou chants d’hymnes rappellent la fin du second conflit mondial et le rôle essentiel joué par les territoires ultramarins. Dans l’océan Pacifique, la Polynésie française a rendu l’an dernier un hommage appuyé aux «Tamarii volontaires», ces adolescents qui quittèrent Raiatea ou Moorea pour rejoindre le Bataillon du Pacifique; la cérémonie du 80ᵉ anniversaire s’est déroulée avenue Pouvanaa-a-O-opa, sous la présidence du secrétaire général du Haut-commissariat, en présence du président Moetai Brotherson et d’anciens combattants, témoins devenus rares d’un engagement qui fait encore la fierté des familles polynésiennes.

Dans les Antilles, la mémoire se réaffirme chaque année. À Petit-Bourg, en Guadeloupe, la municipalité a placé les commémorations du 8mai2025 sous le signe de «l’engagement citoyen»: fanfare, défilé intergénérationnel et dépôt de gerbes souligneront le centenaire du Bleuet de France et le 80ᵉ anniversaire de la victoire, tandis que le maire David Nebor appelle la population «à faire du devoir de mémoire un acte de civisme». En Martinique, la Savane de Fort-de-France a retrouvé en 2024 sa solennité: drapeaux au vent, minute de silence et rappel, par un officier de marine, du prix payé par les Antillais à une guerre «lointaine mais douloureusement ressentie sur l’île».

Du côté de l’océan Indien, LaRéunion a multiplié les cérémonies: Saint-Denis, LePort, Saint-Paul ou Saint-Leu ont mobilisé élus, militaires, jeunes sapeurs-pompiers et conseils municipaux d’enfants pour faire passer le flambeau; à Saint-Gilles-les-Hauts, le discours municipal insistait sur «la reconnaissance due aux résistants réunionnais». À Mayotte, la prise d’armes organisée devant la préfecture de Mamoudzou, a rappelé, en ces temps de crise post-cyclone, et malgré les tensions sociales du moment, que l’archipel s’inscrit pleinement dans l’histoire militaire nationale.

En Guyane, place du Coq à Cayenne, la chorale municipale a entonné la Marseillaise après la remise de décorations par le préfet Antoine Poussier; l’accent a été mis sur la transmission, symbole fort quand la jeunesse guyanaise peine souvent à trouver des repères communs. En Nouvelle-Calédonie enfin, au terme d’une visite très controversée du ministre Manuel Valls, le monument de la place Bir-Hakeim à Nouméa et celui de Boulari au Mont-Dore ont accueilli les revues de troupes, médailles et moments de recueillement; les autorités civiles ont rappelé que la Grande-Terre avait servi de tremplin logistique aux forces alliées dans tout le Pacifique Sud.

Au-delà de la géographie, ces cérémonies racontent une même histoire: celle d’îles et de départements souvent éloignés de l’Hexagone mais intimement liés à la construction de la nation. Chaque discours, chaque dépôt de fleurs insiste aujourd’hui sur trois messages: la contribution décisive des soldats ultramarins, la place centrale de la jeunesse — scouts en uniforme à Papeete, collégiens lecteurs de messages officiels à Saint-Denis, cadets de la fanfare de Petit-Bourg — et la volonté d’inscrire ce souvenir dans un présent traversé par d’autres conflits. Dans un contexte où la cohésion nationale est régulièrement interrogée, le 8mai offre aux territoires d’outre-mer l’occasion de réaffirmer qu’ils ne sont pas seulement «périphériques»: ils sont la preuve vivante que la République s’est construite au-delà de l’Europe et qu’elle continue de se penser à l’échelle des océans.

À l’aube du 80ᵉ anniversaire de la capitulation nazie, les comités d’anciens combattants et les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon avaient annoncé une «journée exceptionnelle»: prise d’armes, exposition pédagogique et veillée aux flambeaux destinée à «porter la mémoire jusqu’aux quais du Grand-Nord». 

Partout, la même préoccupation domine: faire de la commémoration un ciment et non un rituel figé. Dans les Outre-mer, le 8mai n’est donc pas seulement une page d’histoire; c’est un miroir où se lisent les sacrifices d’hier, les attentes d’aujourd’hui et l’assurance, pour les ultramarins, que leur voix compte dans le récit commun.

 

La Rédaction d’Opinion Internationale