
Le sort réservé à Jérôme Guedj lors de la manifestation du 1er mai en dit long sur l’état de décomposition morale et idéologique d’une partie de la gauche française. Pris à partie, insulté, et contraint à plusieurs reprises depuis deux semaines de fuir sous les huées de groupuscules se réclamant de l’antisionisme radical, le député socialiste est devenu le symbole d’une fracture béante entre deux gauches désormais irréconciliables : celle, fort minoritaire, de l’humanisme républicain, de la laïcité et du progrès social, et celle, incarnée par La France Insoumise et ses satellites, gangrenée par les haines identitaires et une fascination morbide pour la violence et l’insurrection.
Voilà bien longtemps que la gauche de rue a été capturée par LFI. Depuis la seconde phase du mouvement des Gilets jaunes, ce ne sont plus les syndicats ou les partis modérés qui font la loi dans les cortèges, mais les ultras de l’extrême gauche, les black blocs et leurs alliés de LFI.
L’agression de Jérôme Guedj n’est pas un fait divers. C’est un symptôme, celui d’un antisémitisme à peine voilé sous le masque de l’antisionisme. Ceux-là mêmes qui conspuent Israël, attaquent les juifs visibles et invisibles, dictent aujourd’hui leur loi à une gauche démissionnaire, tétanisée par la peur de passer pour « réactionnaire ».
Le “syndrome Guedj” témoigne de l’impossibilité grandissante, pour un juif de gauche, sioniste, attaché à la République et à la démocratie, de manifester aux côtés de ceux qui prétendent parler au nom du peuple. Le député a eu raison de dénoncer une « complaisance » indigne face à l’antisémitisme. Il a eu raison de pointer la responsabilité de LFI dans la brutalisation du débat public. Il a eu raison de refuser la compromission avec ceux qui, sous couvert de justice sociale, justifient les pires formes de haine.
Marine Tondelier, chef de file des écologistes, a eu toutes les peines du monde à reconnaître cet antisémitisme d’extrême gauche, avant de se reprendre (bien timidement) sous la pression. C’est que l’antisionisme rassemble aussi les écologistes. Sa gêne initiale en dit long sur l’état de sidération de cette gauche qui détourne les yeux quand la violence ne vient pas de l’extrême droite, mais de ses propres rangs.
Alors, peut-on encore être de gauche, sioniste et juif en France en 2025 ? La réponse est hélas non, si l’on parle de cette gauche qui défile le 1er mai, vocifère contre Israël et piétine la mémoire de la République. Jérôme Guedj, lui, incarne une autre gauche : celle des Lumières, de l’intelligence, du courage. Il mérite notre respect, notre admiration, et notre soutien total.
Mais combien reste-t-il de Guedj à gauche ?
Michel Taube