Et si nous avions, au fil des décennies, habitué les Français à ne plus aimer le travail et à devenir trop paresseux ?
Cette idée, à la fois brutale et provocante, mérite pourtant d’être posée sans détour. Car derrière les discours bienveillants sur la qualité de vie, le droit au repos et la préservation des acquis sociaux, se cache peut-être le plus grand échec du modèle social français : avoir brisé l’élan productif d’un peuple qui fut jadis parmi les plus travailleurs d’Europe.
Tout commence en 2000, avec la réforme des 35 heures initiée par Martine Aubry. Sous couvert de partage du travail, on réduit le temps hebdomadaire légal, on flexibilise à outrance, on incite les entreprises à faire toujours plus avec moins. Résultat ? Un surcoût pour les finances publiques, une complexité pour les employeurs, et une illusion collective : celle que l’on peut produire autant en travaillant moins. Depuis cette réforme emblématique, la France vit dans le mythe que l’emploi se décrète par décret.
Ajoutons à cela les éternelles querelles sur la retraite. Chaque réforme provoque des grèves massives, des mouvements sociaux, des slogans sur « les droits acquis ». De Balladur à Macron, on a tenté de reculer l’âge de départ, d’allonger la durée de cotisation, de corriger les déséquilibres. Mais à chaque tentative, une partie du pays hurle à l’injustice. Résultat ? Un système toujours sous tension, des jeunes qui cotisent sans espoir d’en profiter, et un dialogue social devenu un champ de mines.
Le chômage de masse ? Un mal français, installé depuis les années 80. Jamais ou presque, notre pays n’est parvenu à descendre sous les 7 % de chômeurs. Ce n’est pas faute d’avoir tenté. Mais le marché du travail est rigide, le coût du travail dissuasif, et les politiques publiques souvent court-termistes. On subventionne, on indemnise, on forme… mais on ne transforme pas. Pendant ce temps, une génération entière de jeunes et de travailleurs peu qualifiés sombre dans la précarité.
Pire, être assisté par des aides sociales excessives paye mieux que le travail en France ! A quand un allocation sociale unique pour les plus défavorisés par la vie ?
Et puis, il y a la comparaison qui fait mal : les Français travaillent moins que leurs voisins. Selon l’OCDE, nous sommes parmi les derniers en nombre d’heures travaillées par an. Bien loin derrière les Allemands, les Nordiques, ou même les pays de l’Est. Un jour férié de plus ici, une semaine de congés de plus là, une durée effective du travail plus faible qu’ailleurs… À force d’incitations à travailler moins, nous avons fabriqué une nation du temps partiel structurel.
Alors, osons poser le débat : pour redresser la France, faut-il revenir à une durée légale de 39 heures, avec un système de retraite à la carte fondé sur le mérite et l’effort ? Redonner sa dignité au travail, ce n’est pas briser les salariés. C’est leur dire la vérité. C’est leur rappeler que la croissance ne tombe pas du ciel, que la prospérité est fille du labeur, et que les jeunes générations ne méritent pas d’être sacrifiées sur l’autel du confort des baby-boomers.
Osons le clamer en ce 1er mai : le travail libère et est bon pour la santé. La mortalité des hommes est la plus importante dans l’année qui suit le départ à la retraite.
En attendant, en ce 1er mai où nous vous offrons un muguet à la fois poétique et politique, sortons à la recherche d’une bonne baguette française car, enfin, des boulangers se rebellent pour pouvoir travailler en ce jour interdit. A quand une réforme profonde du code du travail ?
Travaillons, donc, pour ne pas avoir à mendier demain.
Michel Taube