C’est dans un post mémorable qui a eu une très forte audience internationale, qu’Emmanuel Macron a lancé le Sommet mondial de l’intelligence artificielle. En détournant les deepfakes dont il fait l’objet, le Président français a voulu faire sourire. Et nous avons bien ri ! Merci Monsieur le Président.
Mais si l’on peut rire de tout, l’IA n’est pas un sujet à prendre à la légère. Cette technologie bouleverse déjà nos vies, nos sociétés et nos économies. Les deepfakes, les arnaques en ligne, la manipulation des opinions publiques : tout cela est la partie visible de l’iceberg. L’IA est une révolution historique qui n’a d’équivalent que l’invention de l’imprimerie ou la révolution industrielle. L’IA est certainement la vraie révolution de l’ère numérique qui va changer la vie et le cours de l’humanité : Internet était une révolution technologique, les réseaux sociaux une révolution sociétale, l’IA une révolution humaine, anthropologique.
L’IA renouvelle en profondeur la production de connaissances, bouleverse les modèles économiques et promet des gains de productivité sans précédent. Mais elle menace aussi des millions d’emplois et questionne la notion même de vérité, à l’ère où les informations peuvent être fabriquées, détournées ou amplifiées artificiellement.
La culture humaine est bouleversée, les créations même de l’homme perdent pied : l’appel de 34 000 artistes français à la Une du Parisien quelques jours avant le Sommet pour l’action sur l’IA témoigne de cette profonde inquiétude française.
Il est vrai que l’IA redessine les contours de notre civilisation. La capacité à s’adapter à ces changements, tout en préservant nos principes, déterminera si cette révolution sera une chance ou un chaos.
Face à ces défis titanesques, la France et les Français doivent cesser de déprimer et de s’inquiéter : nous devons passer à l’action et mobiliser le génie et nos talents. À juste titre, ce Sommet mondial de l’IA est le sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle. Les dirigeants du monde entier, de Narendra Modi à Ursula von der Leyen en passant par Sam Altman, PDG d’OpenAI, et des centaines de patrons, l’ont bien compris en se précipitant à Paris. L’enjeu : dessiner les grandes lignes de la coopération internationale sur les enjeux de régulation et d’investissements. Avec plus de 109 milliards d’euros d’investissements (dont 50 des Emirats Arabes Unis), avec une priorité donnée à un plan massif de formation des jeunes, conçu avec nos amis indiens, la France se positionne comme un acteur majeur et responsable de cette révolution technologique et humaine, tout en assurant la préservation de ses intérêts stratégiques.
Dompter la bête
Il faudra tout de même dompter l’IA et les limites à imposer sont nombreuses et impératives. Tout d’abord, la question de l’accès des particuliers à l’IA doit être posée. Faut-il interdire certaines formes d’IA au grand public ? La démocratisation rapide de cette technologie ouvre la porte à des utilisations malveillantes ou immatures. Les jeunes sont particulièrement vulnérables. Les Chinois ont restreint l’accès des jeunes aux jeux en ligne pour prévenir les addictions. Pourquoi ne pas envisager un encadrement semblable pour l’IA, surtout pour les jeunes, car elle peut, elle aussi, engendrer des dérives majeures ?
Ensuite, la souveraineté des nations est un enjeu central. L’IA n’est pas seulement une affaire de progrès technologique, mais aussi de puissance géopolitique. L’alliance entre la France et l’Inde, inscrite dans la vision indo-pacifique du président de la République, est un exemple à suivre. Seules des coalitions stratégiques permettront de préserver l’indépendance face aux mastodontes américains et chinois. Investir massivement dans des infrastructures comme les data centers, économes en énergie et en eau, garantir la sécurité de nos données et développer des technologies propres à l’Europe sont des conditions nécessaires pour rester dans la course.
Au final, il en faudra des McGyver : un trombone et du ruban adhésif ne suffiront pas à régler les enjeux de l’IA. Des choix courageux et ambitieux s’imposent. La régulation, les investissements massifs et les alliances internationales ne relèvent pas de l’improvisation, mais de la vision à long terme.
L’IA est une chance, mais à condition de savoir y investir massivement tout en la domptant avec force et vigueur. Si nous la laissons hors de contrôle, elle deviendra notre pire cauchemar. Macron, McGyver ou un autre, peu importe l’étiquette : ce qui compte, c’est l’action. Et pour cela, il faudra beaucoup plus qu’un simple sourire devant un deepfake.