Edito
15H53 - vendredi 7 février 2025

Élections des Chambres d’agriculture : la FNSEA et les JA résistent à la vague populiste. L’édito de Michel Taube

 

Le monde agricole est traversé par les mêmes fractures idéologiques et politiques qui secouent l’ensemble du pays. Les populismes de gauche et de droite ont le vent en poupe, mais ils peinent à percer le plafond de verre électoral et politique. Ce plafond, au fond, n’est peut-être que le reflet de ce que veulent les Français : de la modération, mais avec des résultats, plutôt que l’aventure et la démagogie qu’ils pressentent sur les bancs de la droite nationaliste et de la gauche insurrectionnelle.

Les élections des Chambres d’agriculture de France ont donc eu lieu, dans un contexte de colère grandissante des agriculteurs, qui se sentent abandonnés par un gouvernement incapable de tenir ses promesses, par une désertification rurale et un sentiment d’abandon tel dans ce nouveau monde que les suicides se multiplient.

Pourtant, les premiers résultats de ces élections cruciales sont tombés, et la surprise n’est pas au rendez-vous : les deux organisations historiquement hégémoniques, la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs, résistent bien et conservent une très large majorité des présidences de Chambres. La Coordination rurale, dont il faut savoir entendre la colère, mais qui revendique des options notamment anti-européennes démagogiques, progresse toutefois et sera de plus en plus incontournable. La très mélenchoniste Confédération paysanne remporterait la Chambre de l’Ardèche. Saluons enfin la victoire de Jérome Bayle, figure du mouvement de protestation agricole début 2024, qui a remporté une victoire historique à la tête d’une liste indépendante aux élections de la Chambre d’agriculture en Haute-Garonne. 

Pour Arnaud Rousseau, président de la FNSEA depuis 2023, c’est une victoire politique. À 51 ans, ce céréalier et industriel des huiles, également maire de Trocy-en-Multien et président du groupe agro-industriel Avril, incarne une vision moderne et stratégique de l’agriculture française. Il a su gérer les vents contraires avec habileté, consolidant la position de la FNSEA tout en entamant des réformes nécessaires pour affronter les défis de demain : régulation des marchés agricoles, défense des revenus des agriculteurs, et transition écologique raisonnée. Sous sa direction, la FNSEA demeure un interlocuteur incontournable des pouvoirs publics et un garant de l’équilibre entre productivité et durabilité dans le secteur agricole. Sa capacité à défendre la souveraineté alimentaire et la compétitivité française face à la concurrence internationale est saluée, même par ses détracteurs, qui reconnaissent son rôle de stabilisateur dans un environnement incertain.

Pierrick Horel, président des Jeunes Agriculteurs, représente la nouvelle génération de leaders agricoles. À 33 ans, ce jeune éleveur bio, à la tête d’une exploitation de 420 hectares entre la Saône-et-Loire et les Alpes de Haute-Provence, est un modèle de pragmatisme et d’adaptation. Dynamique et convaincu, il porte avec détermination un syndicalisme de projet qui mise sur l’innovation et la pérennité des exploitations familiales. Sa campagne a su mobiliser les jeunes exploitants, mettant en avant les valeurs de résilience et de modernité dans un secteur souvent perçu comme en crise. Ayant déjà négocié des avancées importantes lors de la crise agricole de 2024, il est aujourd’hui perçu comme un pilier pour assurer le renouvellement des générations et maintenir la pression sur les décideurs politiques.

À deux semaines du Salon international de l’agriculture, dont on se souvient des secousses lors de la précédente édition, ces élections permettront, tout en garantissant une plus grande diversité de points de vue dans le monde agricole, de maintenir le gouvernail d’une politique agricole cogérée par les organisations syndicales professionnelles et les pouvoirs publics.

Décidément, le monde agricole est comme l’ensemble de la France : sa gouvernance sera, comme à l’Assemblée nationale, divisée en trois blocs irréconciliables, mais qui ont tout de même pu accoucher d’un budget pour la nation. Ça va twister, mais ça peut marcher !

 

Michel Taube

Directeur de la publication

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