Edito
04H28 - jeudi 3 décembre 2020

VGE, un d’Estaing. L’édito de Michel Taube

 

Il n’était pas le plus aimé des Français avec ses allures d’aristocrate. Mais il ne fut pas, et de loin, le moins réformateur des présidents de la République.

Valéry Giscard d’Estaing fut comme un (petit) despote éclairé. Archétype du président de la République sous la Vème République.

(Petit) despote avec sa fascination pour les empereurs africains et leurs safaris, avec l’exercice de sa toute-puissance lorsqu’il refusa la grâce présidentielle de Ranucci (il y eut deux autres exécutions sous son règne, Jérôme Carrein et Hamida Djandoubi) et défendit mordicus la peine de mort. Cela restera une énigme : la plupart des libéraux centristes de l’UDF refusèrent de voter l’abolition de la peine capitale en 1981, contrairement aux RPR comme Jacques Chirac, Philippe Seguin et François Fillon.

Eclairé le petit despote car l’ancien président de la République introduisit en sept ans au pouvoir plus de réformes que ses successeurs pendant des règnes pourtant parfois bien plus longs : la majorité à 18 ans, l’IVG portée par Simone Veil. Surtout « le meilleur d’entre nous » dans les années 60 introduisit une bonne dose de démocratie dans un régime monarchique dont la Vème République n’aidait pas franchement à se libérer. Notamment en ouvrant la saisine du Conseil constitutionnel à la minorité parlementaire, comme nous le rappelle Didier Maus dans sa Chronique.

VGE voulut gouverner au centre comme Emmanuel Macron tente de le faire. Les deux hommes méritent la comparaison : jeunes au pouvoir, centristes résolument, passionnément Européens, sûrs d’eux-mêmes et de leur destin, ils se révélèrent tous deux des libéraux d’opérette : leur nature jacobine prit le dessus et ruina leur dessein réformateur. Victimes aussi tous deux des conséquences politiques des crises économiques mondiales qu’ils eurent à gérer (l’histoire n’est certes pas terminée pour Macron), ils ne surent se départir tous deux de leur brillance énarchienne… C’est aussi cela un (petit) despote en cette époque.

Justement, cela restera pour nous son plus grand échec : Valéry Giscard d’Estaing, en présidant la Convention qui adopta le projet de Constitution européenne en 2000, accoucha d’un texte de plus de cent pages, une usine à gaz technocratique qui tua dans l’oeuf cette forme de patriotisme constitutionnel naissant (pour reprendre la belle mais vaine formule d’Habermas), ce tournant démocratique qu’aurait dû prendre l’Union Européenne en se soumettant à un référendum populaire. Résultat, en 2005, le peuple français rejeta le projet (à cause aussi de la trahison d’un Laurent Fabius aujourd’hui président du Conseil Constitutionnel). L’Europe commença donc à mourir à petit feu…

Avec VGE qui s’en va, les jeunes Giscardiens qui gouvernèrent la France pendant plus de trente ans tirent un peu leur révérence… Fin d’une époque. La page du XXème siècle est définitivement tournée.

 

Michel Taube

 

 

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