Edito
08H35 - vendredi 14 novembre 2025

Lyna Khoudri, qui a relativisé le pogrom du 7 octobre, pouvait-elle honorer les victimes du terrorisme et du 13 novembre ? La chronique de Thierry Gibert

 

Relativiser un pogrom puis honorer les victimes du terrorisme : la République peut-elle tolérer cette ambiguïté ?

Dix ans après les attentats islamistes qui ont ensanglanté la France en janvier et novembre 2015, la nation commémore une décennie de deuil collectif et de résilience. Charlie Hebdo, Montrouge, l’Hyper Cacher, le Bataclan, les terrasses parisiennes et Saint-Denis restent gravés comme des symboles de l’horreur mais aussi de l’exigence républicaine : la clarté absolue face au terrorisme. C’est sous ce prisme qu’il faut interroger le choix controversé de Lyna Khoudri pour la cérémonie officielle du 13 novembre 2025 ; un geste qui interroge la cohérence des institutions.

 

Une cérémonie symbolique, un choix institutionnel discutable

L’information, initialement relayée par un compte parodique sur X Eddy Mitchell Sardou, s’est confirmée : l’actrice Lyna Khoudri a participé à la commémoration des dix ans des attentats du 13-Novembre, organisée par la Ville de Paris en partenariat avec les associations de victimes 13onze15 : Fraternité et Vérité et Life for Paris. Conçue par le directeur artistique Thierry Reboul, cette cérémonie – un moment solennel devant les familles, les rescapés et les autorités de l’État – engageait la République dans chacun de ses symboles.

C’est dans ce cadre que Lyna Khoudri a été invitée à lire Prière aux vivants pour leur pardonner d’être vivants, un texte poignant de Charlotte Delbo, rescapée d’Auschwitz. Un choix qui, a priori émouvant, soulève des questions profondes sur la légitimité des voix choisies pour incarner la mémoire nationale.

 

Les médias publics : amplificateurs d’une ambiguïté

Si les organisateurs portent la responsabilité du choix, les diffuseurs publics façonnent sa perception collective. France Télévisions, par exemple, a qualifié la prestation de Khoudri de « moment fort » de la cérémonie, sans contextualiser son passé. Ce traitement éditorial n’est pas neutre : depuis le 7 octobre 2023, plusieurs rédactions ont été critiquées pour avoir minimisé la nature terroriste du pogrom perpétré par le Hamas ou pour des analyses hâtives brouillant les faits.

Mettre en lumière, sans nuance, une artiste qui a relayé un message relativisant un massacre antisémite, le plus meurtrier depuis la Shoah, n’est pas anodin. Le service public contribue à forger la mémoire nationale ; en occultant ce contexte, il érode sa crédibilité et celle du récit républicain.

 

Le précédent du 7 octobre 2023 : un récit militant qui déforme les faits

Le 7 octobre 2023, le Hamas a orchestré un pogrom barbare : 1 200 civils israéliens assassinés, brûlés, violés ou enlevés dont des enfants. Deux jours plus tard, le 9 octobre, alors que le monde était encore sous le choc, Lyna Khoudri a partagé sur Instagram un message d’une autre utilisatrice (@inesseddikii) qualifiant les sites attaqués de « colonies » et leurs habitants de « colons ». Ce texte rejetait explicitement la distinction entre « civils innocents » et « terroristes », présentant les massacres comme une forme de « décolonisation ». Aucune compassion pour les victimes, aucune mention des otages, aucune condamnation du Hamas.

Cette interprétation immédiate n’était pas une analyse nuancée mais une distorsion idéologique. Les villes visées, comme Sderot ou Ofakim, ne sont pas des colonies au sens du droit international. Les victimes, des familles endormies, des festivaliers, n’étaient pas des « oppresseurs ». Le Hamas ne mène pas une lutte de libération mais une campagne de destruction visant l’État d’Israël et les Juifs. Utiliser un lexique militant pour justifier implicitement la barbarie, c’est déshumaniser les victimes et rendre leur mort « explicable ».

La France, marquée par les attentats de 2015, sait que le terrorisme islamiste s’appuie toujours sur un discours qui précède la violence. Requalifier des civils massacrés en « colons » participe de cette rhétorique. Les mots d’une personnalité publique, influençant une génération, portent une responsabilité accrue, d’autant que Khoudri a réitéré son soutien à la cause palestinienne après la cérémonie, en postant un visuel « Free Palestine » sans condamner explicitement le Hamas.

 

Une interrogation pour la République

Peut-on confier à une telle voix le rôle de représenter la Nation lors d’une commémoration des victimes du terrorisme islamiste ? Peut-on incarner la mémoire des morts de 2015 quand on a relativisé un massacre similaire deux ans plus tôt ? Cette question dépasse le cas personnel de Lyna Khoudri : elle touche à la cohérence républicaine dans l’hommage à ses morts, au sens des cérémonies et au choix des symboles.

Les commémorations ne sont pas des spectacles ; ce sont des actes de vérité. Dix ans après 2015, la mémoire exige la clarté et sa compréhension impose de sélectionner des voix qui ne brouillent pas la réalité des faits, sous peine de diluer le combat contre le terrorisme.

 

Thierry Gibert

Âgé de 53 ans, Thierry Gibert vit à Aurillac dans le Cantal. Délégué Départemental de l’Éducation Nationale du Cantal, il est formateur « Valeurs de la République et Laïcité » en région Auvergne-Rhône-Alpes, responsable syndical départemental, président de l’association Union des famille laïques du pays d’Aurillac, fondateur du collectif citoyen En Avant Aurillac. Il s’exprime à titre personnel dans les colonnes d’Opinion Internationale.

Thierry Gibert

Thierry Gibert

Le Kazakhstan renforce son ancrage européen

Le Kazakhstan renforce son ancrage européen
Entre le 1ᵉʳ et le 5 décembre, le ministre kazakh des Affaires étrangères, Yermek Kosherbayev, a effectué une tournée diplomatique majeure en Europe, avec des étapes à Bruxelles, Berne et Vienne, ainsi…