
Le fait que des élèves aient visité l’Assemblée Nationale voilées dans le cadre d’un projet d’établissement sur le thème « Démocratie et citoyenneté » a suscité une polémique dont le fondement juridique est pour le moins incertain. La loi de 1905 et la loi de 2004 sur l’interdiction du port de signes religieux ostensibles dans les enceintes scolaires ne s’appliquent pas en la circonstance. A moins de considérer que la sortie pédagogique comme elle a été qualifiée par son initiateur ne puisse être considérée comme une extension du périmètre scolaire où la loi de 2004 s’applique. Une telle conclusion peut légitimement apparaître douteuse.
Dès lors que cette tenue vestimentaire n’est pas en soi à l’origine d’un trouble de l’ordre public, la loi de 1905 garantit la libre expression des convictions religieuses et le fait de porter un voile lorsqu’on est musulman en fait partie, quoi qu’on en pense.
S’agissant de personnes mineures, on pourrait également considérer qu’imposer le port du voile, au nom de traditions, de coutumes ou d’une religion reviendrait à faire violence à l’enfant et dans ce cas la question pourrait se poser de savoir si le port du voile ne contreviendrait pas aux règles constitutives de la protection de l’enfance. Encore faudrait il pouvoir démontrer que faire porter le voile à un enfant équivaut à une maltraitance, ce qui soulèverait de nombreuses questions pouvant aller jusqu’à mettre en cause l’autorité parentale. Il n’est pas assuré qu’une telle voie puisse prospérer bien que le champ des violences symboliques ait tendance à s’accroitre aujourd’hui.
Une telle évolution pourrait également contrevenir aux dispositions de la convention internationale des droits de l’enfant selon laquelle un enfant appartenant à une minorité culturelle ne peut pas être privé du droit à avoir sa propre vie culturelle, indépendamment des réserves que la France a pu formuler sur ce type de disposition.
En synthèse, une disposition interdisant absolument le port de signes religieux ostentatoires dans l’espace public paraît difficile à concevoir et pourrait être considérée comme liberticide, quelles que soient les réserves qu’on peut formuler sur la visibilité de la religion musulmane en France aujourd’hui.
Il ne reste donc que deux stratagèmes envisageables, l’un qui s’inspire du règlement intérieur du Sénat qui prohibe le port d’un couvre-chef au motif que « le public admis dans les tribunes se tient assis, découvert et en silence » aux termes de l’article 91 de ce règlement intérieur.
L’autre reviendrait à envisager une réflexion de fond sur les règles à imposer lorsque quiconque se rend dans un espace public au sens d’un service public, qu’il s’agisse d’une mairie, d’une université, d’une assemblée qui réunit des élus de la nation, pour ne prendre que quelques exemples. La question de savoir où la liste devrait s’arrêter n’est pas évidente en soi et là encore plus l’interdiction serait générale, moins elle aurait de chance d’être conforme aux exigences de l’Etat de droit.
Daniel Keller
Directeur dans un groupe de protection sociale, président des Anciens Elèves de l’ENA en entreprise, ex-président de l’association des Anciens Elèves de l’ENA, Ancien membre du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE).

















