Edito
20H53 - jeudi 23 octobre 2025

New York : Zohran Mamdani ou la lutte du Sud global contre l’Occident. La chronique de Patrick Pilcer

 

New York : Zohran Mamdani ou la lutte du Sud global contre l’Occident. La chronique de Patrick Pilcer

L’histoire politique aime les symboles. Et celui qui s’annonce à New York a la puissance d’un symbole planétaire.

Zohran Mamdani, jeune élu local du Queens, fils d’un intellectuel ougandais et d’une cinéaste indo-américaine, lauréate de la caméra d’or à Cannes en 1988, socialiste revendiqué au pays du libéralisme, se présente à la mairie de la ville-monde. Et sa candidature dépasse de loin les gratte-ciels de Manhattan : elle incarne le combat, pour ne pas dire la revanche, du « Sud global » contre l’Occident.

Il profite de l’incapacité de ses opposants à faire taire leur ego et à s’unir pour le battre, une incapacité que le centre et la droite en France connaissent également bien, hélas. Il bénéfice aussi de l’attrait de la jeunesse pour une candidature disruptive, loin des clichés habituels des affrontements Démocrates / Républicains. Et la scène politique française elle aussi a besoin d’une candidature de rupture, de candidats qui ne passent ni par des primaires ni par des comités internes de validation, mais qui s’imposent à tous. En France, cette rupture pourrait être incarnée par Xavier Bertrand, s’il renverse la table et impose sa candidature aux gens qui préfèrent se tuer les uns les autres plutôt que de travailler à proposer un autre choix aux Français.

Mais derrière l’enthousiasme progressiste des New Yorkais, surtout chez les plus jeunes, se cache une question plus dérangeante : cette revanche est-elle une renaissance ou une défaite de la Raison, à New York comme à Paris ?

 

Le symbole d’une Amérique fatiguée d’elle-même

Mamdani parle aux jeunes, aux minorités, aux oubliés des loyers new-yorkais et des promesses du rêve américain. Il est caricatural, simpliste mais parle le langage de Tik Tok et d’Instagram. Il est reçu 5 sur 5 par les New Yorkais. Il dénonce le capitalisme financier, les propriétaires spéculateurs, les institutions « racistes » et la police « coloniale ».

En somme, il recycle le vieux discours révolutionnaire dans un emballage Réseaux Sociaux : sincérité apparente, radicalité tranquille, utopie bien peignée.

Et ça marche. Dans une Amérique lassée de ses élites, culpabilisée par son histoire, tout ce qui s’oppose à l’ordre ancien devient par nature vertueux.

Il faut voir aussi les pancartes partout dans Manhattan, « gelez mon loyer et je vote pour vous ». A New York comme partout, la question du pouvoir d’achat domine les préoccupations des électeurs, pour des élections nationales comme locales.

Mais il y a un prix à cette posture. Mamdani ne cache pas ses amitiés : récemment photographié auprès de l’imam Siraj Wahhaj, islamiste revendiqué, figure controversée accusée d’avoir flirté avec les thèses djihadistes et d’avoir été proche des barbares auteurs du premier attentat contre le World Trade Center en 1993. Mamdani ne s’en défend même pas. Au contraire, il revendique le dialogue… mais sans jamais dire où s’arrête la tolérance et où commence le soutien.

Une jeunesse homard

Les jeunes générations new-yorkaises — et, osons le dire, françaises aussi — ressemblent à des homards : si on les jette dans l’eau bouillante, ils bondissent ; mais si on chauffe l’eau lentement, ils s’endorment et se laissent cuire sans opposer la moindre résistance.

Nos sociétés se laissent lentement anesthésier par la douce chaleur du relativisme. On ne réagit plus à la radicalité, on l’excuse. On ne condamne plus la haine, on la contextualise. On ne défend plus la liberté, on la négocie. Le coupable devient alors, facilement, la victime, et inversement. On devient vite sourd et aveugle devant la réalité qui est pourtant en pleine lumière devant nos yeux.

L’Occident, qui a vaincu les totalitarismes nazi et stalinien par la Raison, s’incline désormais devant les nouvelles tyrannies de l’émotion et de l’identitaire, et devant le totalitarisme d’aujourd’hui : l’islamisme radicalisé. A New York comme à Montréal ou Boston, à Paris comme à Londres, Bruxelles ou  Madrid.

 

Une revanche du Sud global ou un effondrement de l’universel ?

Ce que porte Mamdani n’est pas un simple programme municipal : c’est une bataille culturelle.
Il veut « décoloniser » New York, tout comme certains à Paris veulent « décoloniser » les musées, les universités, les esprits.

La même tentation existe partout : celle d’effacer l’universalisme pour le remplacer par la segmentation, voire le séparatisme. C’est le triomphe de la grille communautaire sur la logique républicaine, du ressentiment sur la responsabilité. On cherche à séparer selon les étiquettes, imposées par le regard extérieur, quand la République a pour principe de réunir ce qui est épars, parce que, une et indivisible, quelles que soient les origines, les pensées philosophiques et spirituelles ou les orientations sexuelles.

Cette revanche du Sud global sur l’Occident pourrait être salutaire si elle proposait une vision plus juste du monde. Mais lorsqu’elle se nourrit de haine, de déconstruction, de désinformation et de culpabilité, elle ne libère rien : elle inverse seulement les chaînes.

 

La défaite provisoire de la Raison

Ce que révèle la candidature de Mamdani, c’est moins la force d’un mouvement que la faiblesse d’un monde. Nos démocraties doutent d’elles-mêmes. Elles s’excusent de leur réussite, elles s’autoflagellent de leur héritage. La situation est encore pire auprès de nos jeunes générations qui, au nom de la justice sociale que pointent Mamdani et ses confrères, ne perçoivent plus la réalité et sa complexité. Ils regardent le doigt et non la lune… Ou encore les militants LGBT+ qui soutiennent Mamdani, comme ils soutiennent le Hamas, et ne prennent plus en compte ce que font subir le Hamas et les islamistes aux populations LGBT+. Se demandent-ils l’avis de l’imam Wahhaj sur l’homosexualité, et que faire à un homo ? bien sûr que non. Ils sont eux aussi anesthésiés, et leur réveil sera trop tardif.

La Raison perd aujourd’hui la bataille médiatique, comme Israël perd celle de la communication, comme la France perd celle du bon sens budgétaire.
Mais dans la guerre du Réel, elle finira par l’emporter. Parce que la réalité ne se plie pas aux hashtags.

 

La victoire du Peuple sur la foule

Pour le moment, la foule semble remporter la bataille, avec à sa tête des tribuns de talent, comme Mamdani, Mélenchon ou Marine Le Pen. L’histoire est ainsi faite : les foules s’enflamment, mais à un moment, les peuples finissent par réfléchir, et se réveiller.

La foule veut croire aux illusions, il est prompt à se laisser endormir, progressivement ; le peuple veut, lui, vivre dans la vérité, il se prépare pour son sursaut républicain.
Mamdani gagnera peut-être les cœurs sur Instagram, mais la vie quotidienne, elle, n’est ni un réseau social ni une utopie.

Elle impose la rigueur, le courage, la clarté — tout ce dont tant d’hommes politiques manquent cruellement.

La Raison reviendra. Elle reviendra par les faits, par les échecs, par les désillusions.
Elle reviendra quand les peuples comprendront que certains les prennent pour de simples homards. Mais la Raison peut aussi revenir par un réveil républicain, par l’affirmation, claire, des principes de notre République, Liberté Egalité Fraternité Laïcité, et par la prise de conscience que le mur n’est pas une fatalité.

 

Patrick Pilcer

Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers, auteur de « Ici et maintenant – lecture républicaine de la Torah » (préface du Grand Rabbin de France, Haïm Korsia, éd. David Reinharc).

Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers
Patrick Pilcer, Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers