
La libération en cours des otages israéliens détenus par le Hamas et ses affidés appartient à ces instants où l’espoir parvient à damer le pion à l’enfer. Car il s’agit bien pour ces victimes d’un retour de l’enfer. Le monde apprendra sans tarder les sévices et les humiliations dont ils ont été victimes de la part de bourreaux qui auront réussi l’exploit de ressusciter à travers le monde un antisémitisme tel qu’on n’en avait pas connu depuis la fin du nazisme.
Pour reprendre la conclusion de Pascal Bruckner dans son article du Figaro du 7 Octobre dernier, le plus ahurissant dans tout cela demeure la passion pour la barbarie qui s’est répandue, telle une trainée de poudre, dans des nations prétendument civilisées. Au point de renverser l’accusation de génocide au détriment d’Israël.
Pascal Bruckner rappelait à ce sujet que cette accusation a été proférée avant même l’invasion de Gaza, voire qu’elle apparut déjà en 1948 lors de la guerre qui suivit le partage de la Palestine. On pourrait faire observer qu’à ce jour la CIJ de la Haye n’a pas incriminé Israël d’une telle exaction, mais cela est demeuré sans effet sur la vindicte des nouveaux inquisiteurs.
Le sentiment d’ivresse éprouvé par les génocidaires du 7 Octobre n’est en rien surprenant. Il est l’expression d’un fanatisme qui trouve sa source dans une lecture littérale de l’islam qui embrase depuis plusieurs décennies les populations arabes. Leur aveuglement est sans borne et s’étend désormais aux soi-disant collaborateurs dont la chasse a commencé.
Il est en revanche plus étonnant que l’accusation de génocide ait aussi allégrement prospéré dans les opinions publiques occidentales. Entendons-nous bien. Il ne s’agit pas de leur reprocher de protester contre les morts à Gaza. Une telle protestation est parfaitement légitime et humainement compréhensible.
Mais désigner les trop nombreux gazaouis morts comme les victimes d’un génocide n’avait pas en réalité pour but d’exprimer une compassion légitime qui d’ailleurs ne s’est pas étendue à toutes les victimes collatérales des conflits armés, quel que soit le champ de bataille. Inutile de rappeler que la compassion n’est sincère que si elle est universelle.
L’accusation pouvait également être la réaction attendue à un conflit asymétrique qui met aux prises une armée régulière et une guérilla qui se dissimule derrière des boucliers humains. Cela étant, cela ne suffit pas à faire en soi des victimes d’une guerre qu’elles n’ont pas décidé les victimes d’un génocide. Toutes les guerres modernes hélas n’ont pas épargné les populations civiles. Celles-ci ont été utilisés très souvent comme des cibles pour faire plier l’ennemi, contrairement aux précautions prises par Israël pour épargner autant que faire se peut, les civils vivant parmi les décombres.
Cette accusation permit en réalité de faire l’économie de la complexité, de diviser de manière simplificatrice le monde entre bourreaux et victimes et de transfigurer l’adversaire en un ennemi inexpiable. Pourquoi ? Dans une période marquée par l’exaltation des conflits et des antagonismes, où les esprits sont assoiffés de querelles meurtrières, l’argumentation raisonnable qui laisse place au doute et à la tempérance du jugement n’est pas la bienvenue.
La fascination pour l’hubris criminelle reflète avant tout le délitement du processus de civilisation qui caractérise hélas la société postmoderne. Il donne libre cours au goût pour la violence et laisse remonter à la surface la part maudite de tout être humain. Il livre l’humanité à la terreur des excommunications qui font des boucs-émissaires l’origine de tous les maux qui nous assaillent.
En désignant Israël comme un Etat génocidaire, les opinions publiques ont à nouveau renvoyé le peuple juif à la tragédie pluriséculaire qui a façonné son destin et l’ont derechef déshumanisé en faisant de lui l’ennemi du genre humain. Un tel aveuglement de l’opinion pourrait conduire naturellement à désespérer de la nature humaine.
Il est encore temps que l’opinion reprenne ses esprits et ne fasse pas le lit d’une judéophobie qui favorise le surgissement des monstres. Souhaitons que le retour des otages permette une prise de conscience de la haine exterminatrice dont ils été les victimes, qu’il décille les esprits embrumés et ténébreux et remette les consciences à l’endroit.
Daniel Keller
Directeur dans un groupe de protection sociale, président des Anciens Elèves de l’ENA en entreprise, ex-président de l’association des Anciens Elèves de l’ENA, Ancien membre du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE).

















