
Le gouvernement Lecornu vient d’être nommé. Enfin. Mais pourquoi attendre un mois entier pour renommer les mêmes aux mêmes postes ? Tout ça pour ça ?
Comment rendre une rupture crédible sans changer les ministres ? Comment espérer une politique de baisse des dépenses publiques avec comme seul « poids lourd nouveau », Bruno Lemaire, qui dirigea Bercy, et qui a laissé filer les déficits ? Comment être crédible sur une relance du pouvoir d’achat quand les mêmes ministres renommés proposaient que les Français « se serrent la ceinture » dans la préparation du budget précédent ?
Même Barrot, ministre des Affaires Etrangères, qui a participé grandement à l’affaiblissement de la parole de la France sur la scène internationale, est maintenu. Il faut dire à sa décharge qu’il n’a jamais fait qu’obéir au locataire de l’Elysée.
Mais quand même ! entre le simulacre de la « reconnaissance de la Palestine à New York quelques heures avant le Plan Trump pour Gaza, plan porteur d’espoirs réels de paix régionale et l’incapacité de la France à faire libérer ses propres otages, en premier lieu Boualem Sansal, un changement à la tête du quai d’Orsay s’imposait.
Même le prince héritier saoudien ne croyait pas vraiment à la « grande conférence » new yorkaise de Macron alors que l’Arabie Saoudite la coprésidait, il n’a même pas fait le déplacement, tant il savait que l’essentiel était ailleurs…
En tout cas voilà une « nouvelle » équipe qui va devoir travailler dur pour prouver sa crédibilité. Les mêmes visages, souvent inconnus des Français, sans aucun souffle nouveau.
Or, c’est précisément de renouveau dont la France aurait besoin. Car le prochain exercice ne sera pas anodin : il faudra présenter un budget crédible, réduire enfin la dépense publique, contenir le déficit, réduire la dette. Une mission herculéenne, mais essentielle pour notre souveraineté économique. Une tâche digne de Sisyphe aussi, puisque ce nouveau gouvernement repart d’une page blanche comme l’équipe Bayrou, et avant elle l’équipe Barnier. On imagine aisément Sisyphe heureux pour reprendre les mots d’Albert Camus. Imagine-t-on vraiment nos « nouveaux » ministres heureux ? Etre ministre était auparavant un honneur, Macron l’a transformé en fardeau…
La question est à présent simple : comment ceux qui, hier encore, ont contribué à alourdir la dépense pourraient-ils, demain, devenir les champions de sa maîtrise ? Bruno Le Maire a piloté Bercy pendant sept ans, avec pour résultat une dette publique qui frôle les 3 400 milliards d’euros et un déficit qui s’installe à des niveaux inquiétants. Faut-il croire qu’une mutation vers les Armées lui confère soudain la vertu de la rigueur ?
La crédibilité, en politique comme en économie, ne se décrète pas. Elle se construit par des actes, par des choix courageux, parfois impopulaires. Lecornu a choisi la continuité là où le pays attendait une rupture. Reste à savoir si cette équipe saura démontrer qu’elle peut faire demain l’inverse de ce qu’elle a fait hier. Sans perdre en crédibilité.
L’attente des Français est connue : augmenter le pouvoir d’achat, rendre de nouveau efficace nos services publics, faire que le travail paie plus, diminuer les dépenses publiques, faire mieux en dépensant moins, restaurer la sécurité des Français partout sur le territoire, et tout cela sans augmenter les impôts et les taxes, au global. Surtout sans « serrer la ceinture » aux Français, sans les appauvrir, tout au contraire, en améliorant leur quotidien. Il faut enfin que notre pays produise plus de richesse, que nous ayons plus de riches, et que les pauvres soient moins pauvres.
Bruno Retailleau et le LR ne s’y sont pas trompés. Ils ne valident pas ce casting. Ils veulent des incarnations crédibles à la rupture. C’est une question de confiance et de crédibilité. Et la confiance comme la crédibilité, elles aussi, se méritent.
Dès lors il reste quelques scénarii pour la suite : la dissolution, la démission de Macron ou la gestion des affaires courantes.
La dissolution risque de ne pas rendre la France plus gouvernable, bien au contraire. La démission, même si elle devrait s’imposer, non plus. Dans les deux cas, des campagnes électorales précipitées, en moins d’un mois, ne permettraient pas aux Français de bien comprendre les enjeux, comme les différents projets de société des candidats. Voter dans la précipitation serait aggraver notre crise de société. L’affaire Fillon avait biaisé l’élection de 2017. Le Covid avait tronqué la campagne des municipales. La guerre en Ukraine avait occulté les débats pour les présidentielles de 2022. Il serait mortel pour notre pays qu’une nouvelle campagne électorale soit de nouveau organisée dans l’urgence.
Il faut donner aux partis du temps pour élaborer de réels projets de rupture, pour les présenter, les expliquer, les amender, les compléter. Il leur faut du temps pour choisir le mieux possible l’incarnation de chaque projet, pour bâtir ensuite une plateforme électorale la plus large possible derrière le candidat choisi, pour réunir ce qui est encore épars par nature. C’est le temps jusqu’avril 2027. Pas moins.
Aussi la solution de la Raison est de nommer un gouvernement qui ne gère que les affaires courantes d’ici avril 2027, avec des budgets reconduits à l’identique. Non pas une mais deux années blanches, sans hausse d’impôt sans hausse des dépenses publiques, voire avec une baisse des dépenses car chaque ministre pourrait s’efforcer de dépenser moins que son propre budget. Dix-huit mois de stabilité du coup qui permettront aux entreprises de plus facilement planifier leur développement, leurs investissements et leurs embauches.
Faisons le choix de la Raison. M Macron faites le choix de la Raison, et pensons 2027 et le XXIème siècle pour une France qui gagne…
Patrick Pilcer
Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers, auteur de « Ici et maintenant – lecture républicaine de la Torah » (préface du Grand Rabbin de France, Haïm Korsia, éd. David Reinharc).

















