
Aux Boucaniers en Martinique, un cimetière amérindien ressurgit sous le sable
Sous les futurs aménagements du Club Med de Sainte-Anne, l’histoire a refait surface. En juillet, une équipe du bureau d’études Eveha a mené des fouilles préventives sur le site des Boucaniers, entre plage et marais. Résultat : plus de 250 structures et objets exhumés, témoins de la période saladoïde (IVe – VIIe siècles). Un bond de 1 500 ans dans le passé martiniquais.
La découverte la plus marquante tient dans la profusion de puits : soixante-treize en tout, un record pour l’archipel des Petites Antilles. Ces aménagements, creusés pour compenser l’absence d’eau en surface, dessinent une ingénierie sophistiquée. Mais ce sont les sépultures qui donnent à la fouille une dimension poignante. Quatorze tombes ont été mises au jour, dont celle d’un enfant de deux ans, assis dans la mort sur un siège cérémoniel en bois. Les archéologues y voient le signe d’un rang élevé, peut-être un fils de chef.
D’autres dépouilles reposaient sous des couches de coquilles de lambis, de coraux et de pierres. Leur positionnement laisse penser qu’elles avaient été enveloppées dans des hamacs, comme suspendues pour le dernier voyage. Ces gestes funéraires traduisent une conception du monde où la mort prolonge le mouvement de la vie.
Au milieu de ces restes, des haches et herminettes en coquillage témoignent des activités artisanales, tandis qu’un bloc de roche gravé de motifs symboliques suggère un imaginaire spirituel et artistique déjà affirmé.
L’ensemble compose un tableau rare de la vie précolombienne en Martinique : organisation sociale, pratiques funéraires, maîtrise technique et symbolisme s’y entremêlent. Les travaux d’extension du Club Med ont ainsi révélé un pan entier de mémoire amérindienne, que le sable avait préservé plus d’un millénaire et demi.
Patrice Clech

















