
En politique internationale comme en politique intérieure, Donald Trump est un prestidigitateur autant qu’un stratège. Depuis les frappes israéliennes qui ont décapité plusieurs dirigeants du Hamas au Qatar, il a multiplié les avertissements à l’adresse de Benjamin Netanyahou, confirmant ce que beaucoup pressentaient : derrière les rodomontades et les tweets compulsifs se dessine une ligne de conduite cohérente… et bien décevante.
Depuis une semaine, Trump fait des ronds de jambe aux puissances du Golfe : il a reçu le Premier ministre qatari Mohammed ben Abdelrahmane Al-Thani à dîner dans son golf de Bedminster dans le New Jersey.
Il faut dire que le Qatar organise aujourd’hui un sommet arabo-islamique pour condamner l’attaque de l’État hébreu sur son sol six jours plus tôt. Les 57 membres de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) et les 22 de la Ligue arabe seront présents pour s’entendre sur une « une ferme condamnation de l’agression israélienne contre le Qatar ».
Mais revenons à Trump.
L’homme fort de l’Amérique gouverne d’abord par la communication. Le sommet en Alaska avec Vladimir Poutine, la réunion à la Maison-Blanche avec les Européens et l’OTAN, ses postscontradictoires à longueur de journée sur Truth Social ou Twitter, tout cela participe d’une mise en scène millimétrée. L’essentiel n’est pas tant la vérité que l’effet produit : séduire, galvaniser, maintenir ses électeurs conservateurs en Amérique dans l’état de ferveur quasi religieuse qui fait de Trump le gourou et de son électorat une armée de fidèles groupies.
Ce souci de l’hyper communication, Trump l’entretient partout dans le monde : Régis Le Sommier, directeur de la Rédaction d’Omerta, un des plus brillants reporters de guerre que compte la France, nous confiait à son retour de RDC que des affiches à la gloire de Donald Trump tapissaient tous les panneaux publicitaires à Goma et que le président américain y ait une véritable Rockstar.
Mais derrière le spectacle, il y a la guerre. Ou plutôt, la manière de ne pas la faire. Contrairement à ce qu’il aime répéter, Trump n’a pas mis fin à six conflits armés. Il a parfois su suspendre des affrontements, contraindre les belligérants à s’asseoir autour d’une table – comme entre la RDC et le Rwanda – mais jamais il n’a imposé une paix durable.
Lorsqu’on dit que Trump n’aime pas la guerre, il faut précisément l’entendre ainsi : Trump ne veut surtout pas la faire, lui.
L’épisode de la guerre des douze jours entre Israël et l’Iran l’a démontré : Trump ne voulait pas que ce conflit se transforme en opération de changement de régime à Téhéran. Le faucon tant redouté n’a pas frappé. Dommage car, encore quelques jours de frappes, et les mollahs tombaient peut-être.
La guerre (car c’est une guerre) contre l’Internationale islamiste qui gangrène le Moyen-Orient, l’Afrique, l’Europe et les États-Unis reste pour lui un combat secondaire, presque un irritant diplomatique qu’il gère par intermittence, sans jamais s’y engager pleinement.
Il en va de même en Ukraine : Trump ne veut pas empêcher Poutine de poursuivre sa sale guerre car il ne veut pas mettre les moyens que nécessiterait une telle décision. Donc il gesticule, il profère des menaces de sanctions parfaitement symboliques mais la réalité c’est qu’il n’est pas prêt d’en découdre avec son « ami » Poutine.
Sa véritable obsession est ailleurs. Son ambition est économique, pour l’Amérique et pour sa famille.
Trump affole la planète avec une guerre des droits de douane pour tout d’abord s’imposer comme le maître des horloges du commerce international. En la matière, le président américain ne manque pas de talent.
Même dans l’appréhension des conflits, tout ce que fait Donald Trump à l’international se mesure à l’aune du business, des contrats, des marchés. Ses intérêts économiques – et ceux de son vaste consortium familial élargi – priment sur toute considération. À l’égard de l’Ukraine, cela ne trompe personne : Trump ne veut pas contraindre Poutine à reculer. Il fera quelques gesticulations, promettra des aides, annoncera des sanctions symboliques. Mais aux Européens, il répétera de plus en plus la même phrase : « Débrouillez-vous ».
Retour en Israël : si un jour Trump devait choisir entre ses relations avec les centainesde trillions de dollars des puissances du Golfe et le marché israélien, certes intégré mais limité, son choix serait vite fait. Benjamin Netanyahou, qui croit encore à l’amitié indéfectible américaine entre les deux peuples, ferait bien de ne pas s’y tromper.
Pour Trump, il n’y a pas de fidélité idéologique, seulement des équations économiques. La paix ou la guerre se décident, chez lui, au prix du marché.
Michel Taube



















