
À Saint-Martin, les milliards de l’État se transforment en gouttes d’eau budgétaires. En 2025, la collectivité n’a hérité que de 0,53 % des autorisations d’engagement prévues pour l’ensemble des outre-mer : 102,69 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 116,56 millions en crédits de paiement. Rapporté à l’habitant, cela donne 3 260 euros en AE et 3 701 en CP, des sommes qui classent l’île parmi les moins bien dotées de l’outre-mer, juste devant Saint-Barthélemy.
L’enveloppe globale a pourtant bondi de 55 % par rapport à l’an dernier. Ce spectaculaire rattrapage n’est pas dû à une pluie de subventions multiformes, mais à un poste unique : l’énergie. L’État a décidé d’y injecter 45 millions d’euros pour le service public, quand deux ans plus tôt la ligne budgétaire n’affichait qu’un modeste 185 000 euros et quasiment rien en 2024. Autant dire que ce virage pèse lourd dans le total et gomme les coupes ailleurs, notamment sur les politiques « outre-mer » (conditions de vie, emploi), qui s’effondrent à 3,7 millions d’euros, contre plus de 11,7 millions l’année précédente.
Derrière cette bascule énergétique, la sécurité reste l’autre mastodonte des dépenses publiques. Elle absorbe 31,28 millions d’euros en AE, soit près d’un tiers du budget, et place Saint-Martin en tête des dotations par habitant dans ce domaine : 993 euros, devant la Guyane. Mais cette hégémonie s’érode. La part consacrée à la sécurité atteignait plus de la moitié des crédits en 2023, 46 % en 2024, contre 30,5 % aujourd’hui. Reste que la gendarmerie, avec plus de 24 millions d’euros, concentre l’essentiel des moyens.
Le reste ressemble à des miettes. La justice plafonne à 1,25 million, l’emploi à 2,4, l’administration territoriale de l’État à 3,37, les relations avec les collectivités à 4,72. La cohésion des territoires s’en sort mieux : 10,68 millions d’euros, exclusivement consacrés à l’accès au logement. Dans l’économie, le chiffre fait sourire : 7 493 euros, une ligne budgétaire symbolique plus qu’un levier.
L’enseignement n’est guère mieux loti : aucune autorisation d’engagement, seulement 1,58 million de crédits de paiement pour solder l’existant. Quant aux missions « outre-mer », elles sont en chute libre, divisées par trois en un an. Résultat, sans l’effet trompe-l’œil du financement énergétique, le budget 2025 aurait stagné au niveau de 2023 et reculé par rapport à 2024.
À l’échelle de l’outre-mer, le contraste est saisissant. Quand la Guyane approche les 9 600 euros d’autorisations d’engagement par habitant, et Wallis-et-Futuna dépasse les 14 000, Saint-Martin doit se contenter de moins de 3 300. L’île reste ainsi abonnée au bas de tableau, coincée entre des besoins criants et une enveloppe calibrée au millimètre.
Patrice Clech

















