Opinion Outre-Mer
18H15 - jeudi 24 juillet 2025

Patrice Fabre, Karibea Hôtels & Résidences : « Mobilisation générale, prêts à long terme… La Martinique mérite un tourisme de qualité, toute l’année, et des solutions concrètes pour y arriver. »

 

Patrice Fabre : « Mobilisation générale, prêts à long terme : la Martinique mérite un tourisme de qualité, toute l’année, et des solutions concrètes pour y arriver. »

Patrice Fabre est le dirigeant du groupe hôtelier Karibea – Hôtel & Résidences, qui exploite cinq hôtels à Fort-de-France et Sainte-Luce en Martinique et le fondateur de l’école Vatel en Martinique qui forme les futurs cadres et collaborateurs dans le tourisme. Il est président de la commission Tourisme du MEDEF Martinique, qui a élaboré en début d’année ses propositions pour le développement du tourisme en Martinique, et que publie Opinion  Internationale) et membre de la commission tourisme du MEDEF national.

À la veille du Comité interministériel du tourisme qui sera présidé par le Premier ministre François Bayrou, en présence de nombreux ministres, dont Eric Lombard, Ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, et Nathalie Delattre, ministre déléguée au tourisme, Patrice Fabre répond à Opinion Internationale.

 

Opinion Internationale : Monsieur Patrice Fabre, merci de nous accorder un entretien. Vous aviez déjà signé dans nos colonnes une tribune de propositions « pour le développement d’un tourisme de qualité », lors de la visite de Nathalie Delattre, ministre du tourisme, en avril dernier. Quel est aujourd’hui l’état du tourisme en Martinique ?

Patrice Fabre : Le tourisme fonctionne bien… mais uniquement pendant cinq mois, en haute saison, c’est-à-dire de décembre à avril. C’est fort dommage parce que notre territoire offre ses attraits touristiques tout au long de l’année. Et c’est insuffisant car nous avons des charges à l’année, des salariés à l’année, des infrastructures à l’année. Et nos recettes, elles, sont concentrées sur quelques mois. C’est un déséquilibre structurel.

Il est donc crucial de rendre la Martinique attractive toute l’année, pour attirer une clientèle régulière. Cela concerne tous les secteurs du tourisme : l’hôtellerie bien sûr, mais aussi les restaurants, les commerces, les transports…

Trop de stratégies ont consisté, dans le passé, à faire venir les touristes et à les faire repartir immédiatement vers d’autres destinations voisines. Cela ne crée que peu de valeur ajoutée pour la Martinique.

Aucun autre secteur ne travaille que cinq mois par an. Nous avons besoin d’un véritable changement de stratégie, d’une ambition pour le tourisme en Martinique, que doivent porter et les Martiniquais et l’Etat français dans son ensemble.

 

Quelle est la clé de votre stratégie tourisme ?

Rehausser la qualité de l’offre et s’en donner les moyens, comme le propose la commission tourisme du Medef Martinique. Nous devons miser sur des touristes « qualitatifs ». Il ne s’agit pas de faire du sur-tourisme, – nous en sommes loin de toute manière -, ni du tourisme de masse à bas coût.

Le touriste qui vient en Martinique est un véritable consommateur et il recherche du sens : il vient découvrir nos bourgs, nos villages, nos plages, notre patrimoine, nos rhums (le spiritourisme a un grand avenir devant lui). Le touriste en Martinique dort à l’hôtel ou dans un hébergement locatif, loue une voiture, prend des taxis, visite des lieux de mémoire, des sites naturels époustouflants, mange dans des restaurants, fréquente des commerces, réserve des excursions.

Bref, contrairement à ce qu’on voit dans certains clubs « all inclusive » de République Dominicaine, nos touristes participent activement à l’économie locale. C’est cette dépense globale que nous devons encourager.

Nos salariés, pour la plupart Martiniquais, ont envie que le tourisme se développe. Ils sont engagés dans cette volonté de montée en gamme. Mais cela suppose aussi un effort global : améliorer l’accueil, les infrastructures, les pistes cyclables, la propreté, le fleurissement. Tous ces éléments participent de l’attractivité. Ce n’est pas si compliqué, mais cela exige une vraie volonté de nous, les Martiniquais, et de la France entière.

 

Demain, le gouvernement présentera à Angers une stratégie nationale pour le tourisme à l’horizon 2030. Dans ce contexte, la commission Tourisme du MEDEF Martinique a publié un rapport intitulé “Tourisme Martinique 2030”, que nous publions en exclusivité. C’est bien une vision à long terme que vous portez ?

Absolument. Il existe déjà de nombreux rapports sur le tourisme dans les Outre-mer. On sait ce qu’il faut faire. Il est temps maintenant de passer à l’action et de tenir compte des obstacles structurels auxquels nous faisons face. Le nœud du problème, c’est que 80 % de nos touristes arrivent par avion. Contrairement à la métropole, où on peut venir en train ou en voiture, ici, c’est avion obligatoire. Cela représente un handicap de taille.

Deuxième difficulté : nos véritables concurrents, ce sont les autres îles de la Caraïbe. Elles bénéficient de charges très basses, de moins de contraintes, et mènent des stratégies offensives sur les marchés nord-américains et français. Elles sont attractives, dynamiques, et nous devons répondre avec un vrai projet de développement touristique.

 

Vous avez accueilli en avril dernier Nathalie Delattre, ministre du Tourisme. Une demande forte avait alors été formulée : pouvoir recourir à des prêts à très long terme pour financer cette montée en gamme des établissements hôteliers. Avez-vous été entendus ?

Nous avons été écoutés, oui. Reste à voir si nous serons entendus. Ce besoin est fondamental : rénover, moderniser, rendre notre offre plus attractive. C’est la condition pour attirer des clients toute l’année. Et pour cela, il faut des financements à vingt ou trente ans, pas à cinq ou dix. C’est un enjeu martiniquais, mais aussi hexagonal. Tous les professionnels du tourisme en France ont des besoins similaires de modernisation.

Nous espérons donc que lors de ce Comité interministériel sur le tourisme, le Premier ministre, le ministre de l’Économie et des finances, et la ministre du Tourisme, annonceront une telle mesure qui, insistons sur ce point, n’alourdira pas les finances publiques de la nation, mais changera la donne pour les professionnels du secteur.

 

Que diriez-vous aux membres du gouvernement qui seront en vacances le 31 juillet pour les convaincre de venir faire du tourisme en Martinique ?

Je sais que plusieurs d’entre eux connaissent bien la Martinique. Mais je leur dirais : venez découvrir une île absolument magnifique. La Martinique, ce n’est pas une semaine de plage. Il faut dix, quinze jours pour en faire le tour, pour découvrir sa culture, ses paysages, ses habitants. C’est une île diverse, accueillante, pleine de richesses.

Tous les Français et les touristes du monde entier sont les bienvenus en Martinique.

  

Propos recueillis par Michel Taube

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