Donald Trump est un homme de paradoxes. Nationaliste assumé, mais pragmatique, imprévisible et calculateur. En politique étrangère, il ne vise qu’une chose : la rentabilité économique et géopolitique… Les pétro-dollars pleuvent sur la visite de Donald Trump en Arabie saoudite, comme des paillettes sur Cannes.
Et en ce printemps 2025, Donald Trump donne l’impression de tourner lentement mais sûrement le dos à Benjamin Netanyahou. Une visite régionale sans escale à Jérusalem, la levée des sanctions sur la Syrie, une libération surprise de l’otage franco-américain Edan Alexander, une trève signée et des pourparlers de paix relancés avec les Houtis, et surtout, un quatrième cycle de négociation nucléaire avec l’Iran sous l’égide du sultanat d’Oman. Autant de signaux qui ne trompent pas : le vent tournerait-il ?
La question clé est de savoir si Donald Trump suivra Netanyahou sur son annonce fracassante qu’il allait déployer massivement l’armée israélienne dans Gaza et expulser (on ne sait où…) les Gazaouis. Certes, c’est Trump qui rêvait d’une riviera à Gaza mais il est à craindre que les Saoudiens aient proposé à Trump d’en bâtir une à Néom, entre la mer rouge et les montagnes saoudiennes.
Le Premier ministre israélien, obsédé par l’écrasement total du Hamas, visée légitime certes, espère sans doute un soutien inconditionnel et bruyant de Trump, comme à la grande époque des déménagements d’ambassades à Jérusalem ou de la reconnaissance du Golan.
En est-il de même aujourd’hui ? Car pour le magnat de l’immobilier devenu président deux fois, le “deal du siècle” n’est peut-être plus une guerre perpétuelle contre l’axe du mal, mais une série de victoires diplomatiques, de désescalades médiatisées et de libérations retentissantes, utiles pour sa réélection, son image de « faiseur de paix » et sa vision du business.
Trump ne veut plus d’un Moyen-Orient en flammes : il veut des trophées. Et les trophées ne sont pas dans les ruines de Gaza, mais dans les salles de conférence d’Oman, de Doha ou d’Abou Dhabi.
Certes, Trump n’est pas devenu pro-iranien ni pro-palestinien. Mais il a compris que soutenir sans réserve Netanyahou, dont l’impopularité grandit y compris en Israël, pourrait lui coûter des voix dans une Amérique épuisée par les guerres sans fin. En douce, il tisse donc une stratégie de contournement : maintenir Israël dans le giron stratégique américain, mais en réduisant son exposition et en forçant le Premier ministre israélien à rentrer dans le rang.
Trump n’est pas un pacifiste. Il est un homme d’affaires. Or, la paix – médiatisée, spectaculaire, “made in Trump” – pourrait s’avérer beaucoup plus lucrative politiquement que la guerre, y compris pour les intérêts de sa famille, bien implantée dans les milieux d’affaires du Golfe.
La vérité est là : Trump traite avec ceux qui lui offrent un résultat rapide. Netanyahou, englué dans un conflit interminable et de plus en plus seul sur la scène internationale et en Israël, pourrait bien devenir, à ses yeux, un fardeau plus qu’un atout.
Et pour ceux qui, comme nous, rêvent d’une relance des Accords d’Abraham, dont Trump a justement été l’artisan principal en 2000 (avec un Netanyahou qui n’était pas à l’époque tenu en laisse par des ministres extrémistes et fous de Dieu à leur manière), nous ne pouvons que souhaiter que Netanyahou change de politique ou qu’il s’en aille…
Pour Israël, contre Netanyahou ?
Michel Taube