Edito
08H22 - mercredi 12 mars 2025

Laurent Mazaury : « plus les sanctions seront fortes et plus les négociations de paix tourneront à l’avantage, légitime, de l’Ukraine »

 

Opinion Internationale : Bonjour Laurent Mazaury, merci d’avoir accepté de répondre à Opinion Internationale. Vous êtes député de la onzième circonscription des Yvelines, vice-président de la commission des affaires européennes et membre de la commission des affaires étrangères. Vous êtes également membre du groupe LIOT et de l’Union des Démocrates et des Indépendants (UDI).

Parlons de la proposition de résolution européenne que vous portez, qui vise à renforcer le soutien à l’Ukraine. Elle sera débattue aujourd’hui à l’Assemblée nationale. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Laurent Mazaury : Cette proposition de résolution européenne a pour objectif de renforcer le soutien à l’Ukraine dans ses efforts pour se défendre face à l’agression russe. Le texte a déjà été voté en commission des affaires européennes et en commission des affaires étrangères, et nous allons le soumettre à l’Assemblée nationale. L’idée est d’amplifier la solidarité européenne et d’intensifier la pression sur la Russie, en augmentant les sanctions financières et économiques tout en fournissant à l’Ukraine un soutien militaire renforcé. Nous mettons l’accent sur la protection aérienne, notamment contre les drones russes, et la suprématie aérienne, qui est cruciale pour la défense des civils ukrainiens. L’objectif est d’augmenter la capacité de l’Ukraine à se défendre et à se préparer à une éventuelle négociation.

Parallèlement, nous appelons l’Union européenne à continuer à réduire son recours aux combustibles fossiles, en particulier ceux provenant de la Russie, afin de couper les ressources financières de Moscou. Le texte inclut également un volet sur la déportation des enfants ukrainiens, une pratique tragique où plus de 19 000 enfants ont été pris de force et envoyés en Russie, un crime de guerre que nous devons absolument dénoncer et combattre.

 

Vous mentionnez l’appel aux sanctions économiques, notamment contre les combustibles fossiles russes. Certains pays européens, cependant, continuent de dépendre de ces ressources. Ne pensez-vous pas qu’une telle démarche pourrait s’avérer difficile à mettre en œuvre, compte tenu des enjeux économiques internes dans certains États membres de l’Union européenne ?

C’est une réalité, et c’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles ce combat est si complexe. Certains pays européens, comme l’Allemagne ou l’Italie, dépendent encore largement des importations d’énergie russe. Cependant, il faut que l’Europe prenne conscience que sa dépendance à ces combustibles constitue non seulement une fragilité économique mais aussi un levier stratégique que la Russie utilise pour manipuler et affaiblir l’Europe. Cela ne doit pas être un frein, mais plutôt un défi à relever. Il est impératif que l’Union européenne continue à diversifier ses sources d’approvisionnement énergétique et à investir massivement dans les énergies renouvelables.

Les sanctions contre la Russie doivent être renforcées pour affaiblir son économie et limiter sa capacité à financer sa guerre. Nous devons absolument rester unis, car chaque pays qui fait une exception contribue à affaiblir l’efficacité de ces sanctions. C’est pourquoi la solidarité européenne est essentielle, et la France doit être un moteur dans ce domaine, en incitant les autres États membres à tenir fermement cette ligne.

 

Opinion Internationale : Vous avez également évoqué l’idée d’utiliser les avoirs russes gelés pour financer l’effort de guerre ukrainien. Certaines voix s’élèvent pour dénoncer l’illégalité de cette mesure. N’est-ce pas une contradiction avec les principes du droit international, notamment ceux relatifs à la protection des biens gelés en période de conflit ?

C’est effectivement une question complexe. Le gel des avoirs russes représente un montant considérable, et il est légitime de se demander s’il est légal de les utiliser pour financer l’effort de guerre. Ce qui est important de comprendre, c’est que ces avoirs sont aujourd’hui gelés par les États-Unis, l’Union européenne et d’autres pays en raison de l’agression militaire de la Russie. Ce gel est un moyen de sanctionner la Russie, mais il reste une question de savoir si nous pouvons aller plus loin en utilisant ces fonds pour soutenir directement l’Ukraine.

Il existe une jurisprudence en droit international qui autorise l’utilisation de certains actifs gelés dans des situations exceptionnelles, notamment pour soutenir des efforts de reconstruction après un conflit. Cela a été appliqué dans d’autres contextes, comme le financement de la reconstruction en Irak après la guerre. La difficulté réside dans le fait que la convention des Nations Unies, notamment, interdit le transfert de fonds gelés. Cependant, il existe un concept appelé « contre-mesures » dans le droit international coutumier, qui permet à un pays ou à un groupe de pays de prendre des mesures exceptionnelles en réponse à une agression ou à des violations du droit international. C’est ce cadre juridique que nous souhaitons utiliser, d’autant qu’il a déjà été utilisé à 8 reprises dans le passé.

Nous devons être transparents et rigoureux dans l’utilisation de ces fonds. L’objectif n’est pas seulement de financer la guerre, mais aussi de soutenir les efforts de reconstruction, qui ont déjà commencé à être planifiés en Ukraine. Cela reste un sujet de débat, et je suis convaincu que le Parlement, par sa discussion et son débat, pourra faire entendre sa voix sur cette question.

 

Avec cette résolution, n’êtes-vous pas à contre-courant de l’actualité ? Ne pensez-vous pas que nous sommes rendus au moment où la négociation pour un cessez-le-feu généralisé et ensuite la paix nécessite que la levée des sanctions soit mise dans la balance de la sortie de crise ?

Une négociation sera nécessaire un jour, mais elle devra être conditionnée à certaines exigences. Premièrement, il est essentiel que l’Ukraine soit maître de ses décisions et qu’elle puisse choisir le moment et les conditions de toute négociation. Cela dit, toute négociation devra inclure un retour aux frontières de l’Ukraine telles qu’elles étaient avant l’agression de la Russie en 2022. Il est inacceptable de négocier sur des bases où la Russie conserverait les territoires qu’elle a illégalement annexés.

Les sanctions, quant à elles, ne doivent pas être levées avant que des conditions de paix durables ne soient établies et que la Russie respecte pleinement les principes du droit international. La guerre ne peut pas être la solution. La seule manière de mettre fin à ce conflit de manière équitable est que la Russie revienne à la table des négociations avec des engagements clairs et concrets. Pour l’instant, la priorité reste de soutenir l’Ukraine dans sa défense et de faire en sorte que la Russie cesse ses agressions.

 

Passons à la question « j’entre dans l’histoire » : si vous deviez laisser une trace durable dans l’histoire de la politique française, quelle loi ou décision aimeriez-vous voir porter votre nom ?

Si je devais laisser une trace dans l’histoire, je voudrais que cela concerne la défense des valeurs républicaines, en particulier en matière de sécurité et d’éducation. Je crois profondément que la France doit retrouver un sens de l’autorité et de la justice, à la fois dans nos quartiers, nos écoles et dans le respect des lois. J’aimerais pouvoir contribuer à une réforme véritable de la justice pénale qui rétablisse la confiance des citoyens dans les institutions. L’éducation, en particulier l’école républicaine, est également une priorité pour moi. Il est fondamental que l’éducation en France soit accessible à tous et permette à nos jeunes de réussir et de contribuer à une société solidaire et équitable.

 

Et pour conclure, comme à notre habitude, « la question langue de bois ». Si vous étiez proposé comme ministre dans les deux ans à venir, de quel portefeuille rêveriez-vous ? Je rappelle qu’à l’UDI, Valérie Létard est actuellement ministre.

Si l’opportunité se présentait, je serais intéressé par le ministère de l’Intérieur ou de la Justice. Ces deux domaines sont cruciaux pour l’avenir de la France. Il y a beaucoup à faire pour renforcer la sécurité dans nos territoires et restaurer la confiance entre les citoyens et leurs institutions. Le système judiciaire, tout particulièrement, nécessite des réformes profondes pour être plus efficace et juste. Si l’occasion se présentait, j’aimerais être au cœur de ces réformes pour le bien de nos concitoyens.

 

Propos recueillis par Michel Taube

Directeur de la publication

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