Opinion Territoires
11H00 - jeudi 23 novembre 2023

Brigitte Barèges, maire de Montauban : « La technocratie met en danger nos territoires »

 

Opinion Internationale : Madame Brigitte Barèges, vous êtes maire (LR) de Montauban (Tarn-et-Garonne / Occitanie) et Présidente du Grand Montauban depuis 2001. Vous avez été députée de 2002 à 2012 et êtes avocate de profession.

Madame le Maire, depuis les attentats du 7 octobre en Israël, la France est confrontée à une vague d’antisémitisme et les tensions urbaines sont à leur paroxysme depuis des mois. Comment réagit votre ville dont il faut rappeler qu’elle a été directement touchée en 2012 par les attentats commis par Mohammed Merah, lequel a notamment assassiné et grièvement blessé trois « bérets rouges » en treillis du 17e régiment du génie parachutiste de Montauban ?

Brigitte Barèges : Montauban, en raison de son histoire, a une relation particulière à ses communautés religieuses. Ville protestante sous Henri IV ayant connu une forte reprise en main catholique sous Louis XIV, notre ville a accueilli de nombreux maghrébins à partir des années 1960. Nous comptons aussi de longue date une église orthodoxe et une communauté juive. C’est la raison pour laquelle j’ai lancé en 2005 la démarche Montauban-Espérance, qui est un espace de dialogue entre les responsables des différents cultes, sous l’égide de la mairie et dans le strict respect de la laïcité bien sûr. Cela permet de se connaître, d’organiser des événements populaires de partage et de dépasser des moments terribles comme ceux que nous avons connus en 2012.

Sans attendre les appels nationaux, j’ai invité les responsables des différentes communautés à une « marche pour Israël » dès le 12 octobre, qui a réuni beaucoup de monde et s’est très bien passée. Je n’ai pas participé aux rassemblements plus récents qui m’ont paru pollués par trop de considérations politiques mais je suis très engagée contre l’antisémitisme et pour la paix. Je reste très mobilisée et je suis au jour le jour la situation, tant au Proche-Orient que sur notre territoire.

Mon regret est que l’on n’entende pas suffisamment des voix de musulmans dénoncer l’islamisme en France. J’encourage fortement les musulmans de France à dénoncer l’islamisme. Je les encourage à ne pas avoir peur et à prendre leurs responsabilités. D’un autre côté, la République ne doit pas être naïve et doit écarter tous ceux, souvent venus de l’étranger, qui propagent des idées radicales et extrémistes.

 

Sur un autre plan, à l’approche du Congrès des Maires de France auquel vous participez, vous avez pris une initiative forte pour dénoncer le principe du ZAN, « Zéro artificialisation nette » des sols, dont on n’a peut-être pas mesuré toutes les conséquences pour le développement de nos territoires ?

En effet, avec une dizaine de maires de villes moyennes d’Occitanie ainsi que Jean-Luc Moudenc, Maire de Toulouse et président de la Métropole, j’ai écrit à Carole Delga, présidente de la Région pour qu’ensemble, nous demandions une pause dans ce qui est en train de se transformer en folie technocratique et en danger pour nos territoires. Nous avons aussi écrit à la Première Ministre Elisabeth Borne et nous souhaitons que les Maires de France se mobilisent sur ce sujet à l’occasion de notre Congrès.

Le ZAN a pour objectif de parvenir à ce que plus aucun mètre carré de notre territoire ne soit artificialité sans être compensé à partir de 2050. Si l’idée peut sembler louable sur le plan environnemental, sa mise en œuvre est erratique, incompréhensible et écarte les élus locaux sur un sujet qui est pourtant essentiel, que l’on soit dans le monde rural ou dans une grande agglomération, celui de l’aménagement du territoire et du développement économique.

Pour preuve des erreurs commises et du mécontentement qu’elles ont déclenchés, déjà deux lois, en 2021 et en 2023, sont venues corriger la première loi de 2014. Le résultat n’est toujours pas satisfaisant : on se dirige vers une approche purement statistique dans l’attribution des surfaces ouvertes à l’urbanisation jusqu’à 2050, sans tenir compte des dynamiques locales – l’agglomération de Montauban accueille ainsi près de mille nouveaux habitants par an –, des efforts réalisés par les communes dans la période récente, ni de l’impact de projets nationaux tels que, nous concernant, la Ligne à Grande Vitesse et la future gare TGV.

Il faut en finir avec cette approche hors-sol inspirée par une idéologie écolo-destructrice qui considère que c’est la décroissance qui sauvera la planète, alors qu’au contraire elle ne fera que renforcer les crises et le chaos.

« Faisons un référendum sur le ZAN et la façon dont veulent vivre les Français »

Aujourd’hui, les collectivités font beaucoup d’efforts pour désartificialiser les sols, replanter de la végétation et s’adapter au changement climatique. Nous sommes par ailleurs confrontés dans bien des villes à la rareté et à la cherté du logement. Les modes de vie et de travail, le progrès technologique permettent en outre d’exercer de nombreux métiers loin des métropoles alors que ce n’était pas le cas il y a encore quelques années. Ainsi, alors que l’avenir appartient aux villes moyennes et aux territoires ruraux, le ZAN a pour conséquence de leur interdire toute perspective de développement.

Bref, tout doit être remis à plat, à partir de la question de fond sur la façon dont veulent vivre les Français. Il faut se tourner vers les élus locaux et même vers les Français : à l’heure où l’exécutif semble en recherche d’idées, ce serait un vrai et beau sujet pour un référendum.

 

Des enquêtes récentes montrent que les Maires sont confrontés à des doutes et des difficultés croissantes, c’est aussi votre cas ?

Vous me connaissez, les difficultés démultiplient mon énergie et ma combativité ! Aujourd’hui, Emmanuel Macron, qui connaît mal les collectivités locales, donne le sentiment de mépriser les élus locaux, alors même que nous avons une légitimité démocratique forte et que c’est à nous que nos concitoyens font confiance. Et cette approche, malheureusement, se diffuse à partir du sommet de l’État.

L’exemple du ZAN est loin d’être isolé. Je pourrais évoquer à l’obligation qui nous est faite en matière de construction de logements sociaux sous peine de pénalités, à la perte de l’autonomie fiscale avec la fin de la taxe d’habitation qui brise un lien essentiel entre les locataires et la citoyenneté locale, et en fait porter tout le poids sur les propriétaires. Je pense aussi au désengagement de l’État sur un sujet qui me tient à cœur, celui de la sécurité.

« M le Président, faites confiance aux élus locaux ! »

Le message que j’ai envie de faire passer au Président de la République, c’est « faites-nous confiance, et rendez-nous les moyens de répondre aux attentes de nos concitoyens ».

Depuis mon élection en 2001, Montauban est passée de 52 000 à 63 000 habitants : je ne veux plus être bridée dans mes ambitions pour la ville.

 

Propos recueillis par Laurent Tranier, chef de rubrique Opinion Territoires – Occitanie

Fondateur des Éditions Toute Latitude