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15H20 - mardi 19 octobre 2021

Les mille vies du sultan Ibrahim Mbombo Njoya

 

Parmi tous ses accessoires favoris, le roi des Bamouns préférait certainement sa coiffe de sultan à tout autre apparat. Pourtant du côté de ses admirateurs, c’est bien l’adjectif « multi casquettes » qui revient le plus souvent lorsqu’ils décrivent la carrière du dix-neuvième roi des Bamouns, petit peuple niché à l’ouest du Cameroun.

 

Un départ qui endeuille tout un peuple

Décédé des suites du Covid-19 à l’hôpital américain de Paris fin septembre, Ibrahim Mbombo Njoya a été inhumé le 9 octobre 2021 à Foumban, capitale du sultanat située dans l’ouest du Cameroun, après plusieurs jours d’obsèques. L’occasion pour le peuple des Bamouns de se déplacer jusqu’aux abords de la dépouille pour pleurer son roi disparu.

Ibrahim Mbombo Njoya a peut-être perdu la bataille de la vie, mais il a en revanche remporté celle de l’immortalité. Dès lors que le président Paul Biya a appris le décès de l’illustre disparu, une période d’hommage a été décrétée en l’honneur du monarque.

Pendant vingt-neuf ans, l’octogénaire avait « présidé » sur le plan symbolique et moral une communauté d’environ deux millions d’âmes. Mais avant d’être intronisé, Ibrahim Mbombo Njoya avait couronné sa vie de plusieurs succès politiques comme administratifs.

 

Éternelle ascension

Tout débute en 1958, année durant laquelle le futur dignitaire n’est qu’un jeune homme de 21 ans. Plein d’ambitions, Ibrahim Mbombo Njoya s’engage auprès de l’administration camerounaise dès qu’il obtient son diplôme à l’Institut d’études administratives africain de Dakar, au Sénégal. Choix plutôt audacieux puisque le Cameroun se bat justement pour « naître ». L’attaché au cabinet du Haut-commissaire de la République française au Cameroun quittera son poste deux ans plus tard, une fois l’indépendance du pays obtenue. Il avait suivi plus tôt une partie de son cycle secondaire en France avant de le finaliser au pays, à Yaoundé.

Dès l’autonomie du Cameroun acquise, les succès notoires s’enchaînent pour le futur sultan. Ils l’emmènent même jusque dans les instances politiques du jeune Cameroun. Pendant toute sa carrière politique, l’homme parti à 83 ans a dirigé sept départements ministériels. Et si Ibrahim Mbombo Njoya est parvenu à aussi bien représenter sa Nation, c’est entre autres par sa capacité à la gérer de l’intérieur comme de l’extérieur. Il a en effet porté les intérêts du Cameroun jusqu’en Guinée équatoriale, puis, plus tard, jusqu’en Égypte, en tant qu’ambassadeur. Mais la plus prestigieuse nomination du futur dignitaire restera certainement le 4 décembre 1981, date à laquelle il endosse le rôle de vice-ministre des Affaires étrangères auprès du Président Ahmadou Ahidjo.

 

Le sacerdoce de sultan

En dépit de sa trajectoire rectiligne, la carrière professionnelle d’Ibrahim Mbombo Njoya connaît un tournant décisif avec le décès de son père, lui-même monarque des Bamouns.

Nous sommes alors en 1992 et le fils, désormais quinquagénaire, est choisi pour lui succéder. Tout étonné, Ibrahim Mbombo Njoya avouera qu’il « ne pensait plus devenir sultan », dans un livre paru en 2019, en raison de son âge avancé. Ce n’est pas pour autant qu’il prendra le titre suprême à la légère puisque le sultan, tout juste arrivé sur le trône, se retirera de ses autres fonctions. Le but ? S’adonner uniquement à sa nouvelle vie.

En verve et contre tous durant tout son règne, l’influente personnalité n’a pas manqué de se lever à plusieurs reprises contre la corruption qui sévit en Afrique. « Militant de l’élection à deux tours », « révisionniste de la Constitution », entre autres par sa volonté de limiter les mandats présidentiels à deux au sein de son pays, Ibrahim Mbombo Njoya ne menait pas pour ainsi dire « une vie de roi ».

 

Une cérémonie avec 8000 invités et Nathalie Donkeng Tenekam comme chef d’orchestre

La cérémonie d’hommage au roi des Bamouns, qui avait été enterré quelques jours plus tôt, s’est tenue samedi 9 octobre à Foumban. Pour cette apothéose, plus de 8 000 personnes, dont le Premier ministre du Cameroun Joseph Dion Ngute qui représentait le chef de l’État, étaient présentes tôt le matin.

C’est la société dirigée par Nathalie Donkeng Tenekam qui a décroché l’organisation logistique et une bonne part de la restauration des 8.000 convives. Une consécration pour cette professionnelle de l’événementiel, réputée pour son sens de l’organisation et sa science des ressources humaines, la valorisation de ses équipes qui comprennent et partagent les enjeux de la patronne.

Nathalie Donkeng Tenekam [lisez son entretien exclusif avec Opinion Internationale] est une femme d’affaires qui incarne le « Sois belle et ouvre-la » d’Opinion Internationale. Depuis 2008, la femme d’affaires construit son propre chemin : fille de…, elle dirige le groupe hôtelier familial avec son fils qui gère 4 hôtels à Bafoussam et Douala. De son côté, elle a développé dès 2008 ses activités de catering et d’organisation d’événements et s’est imposée en peu de temps comme une leader du marché. Malgré la crise Covid, 2021 est son année : sa société avait déjà géré en avril dernier la logistique de milliers de participants aux obsèques de Pascal Monkam, surnommé le « patriarche », chef d’entreprise renommé, à Bafoussam en février dernier.

Nathalie Donkeng Tenekam est de ces femmes de trempe à qui la formule « Sois belle et ouvre-la » plaît particulièrement : « c’est une formule merveilleuse », nous confie-t-elle : « Elle prend tout son sens lorsque l’on se tourne vers l’Afrique. Pendant de très longs siècles, on a pensé que la femme n’avait rien à dire, surtout dans mon continent. Aujourd’hui, je me sens belle, brave, et je pense que des femmes comme moi peuvent désormais se forger une voie », conclut-elle.

 

Un héritage immense

Adepte de la polygamie, pratique autorisée chez les Bamouns, Ibrahim Mbombo Njoya laisse derrière lui de nombreuses veuves et trente successeurs potentiels.

Mais parmi tous ses fils, un seul a été retenu pour perpétuer la lignée royale. Et sans surprise, c’est Nabil Mbombo Njoya, premier garçon né après l’intronisation du roi défunt, qui a été choisi. Peut-être poursuivra-t-il les mêmes combats que son père…

 

Noé Kolanek

Journaliste Opinion Internationale