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08H11 - lundi 4 juillet 2011

Protéger les écrivains menacés: rencontre avec Helge Lunde, directeur du Réseau International des Villes Refuges (ICORN).

 

 

ICORN est un organisme qui vient en aide aux écrivains, journalistes et auteurs victimes de la censure dans leur pays. Son moyen d’action réside dans le placement de ces auteurs menacés dans des villes membres d’un réseau d’envergure internationale. La ville de Paris a rejoint ICORN début 2011 en accueillant l’auteur de BD iranien Mana Neyestani.

Helge Lunde a dirigé le Festival International Kapittel de la liberté de la presse et de la littérature de 1998 à 2005. Parallèlement à cela, il a été en charge du développement de Stavanger (Norvège) en tant que ville refuge pour les écrivains persécutés. Il est actuellement le directeur exécutif d’ICORN depuis sa création en décembre 2005.

 

Combien d’auteurs avez-vous aidé depuis la création d’ICORN ?

Nous avons aidé environ 70 auteurs depuis le début de notre action. Actuellement, nous en aidons 40 mais leurs placements sont gardés strictement confidentiels pour des raisons de sécurité. D’autre part, plusieurs autres sont en attente.

 

Quels sont les critères pour valider la candidature d’une ville ? Y a-t-il des pays qui ont plus de chances d’intégrer ICORN ?

Chaque ville (ou région) du monde peut postuler pour devenir membre d’ICORN. Pour plusieurs raisons, de nombreuses villes des pays nordiques en font partie, mais les récentes candidatures sont venues de toute l’Europe, et dans les trois prochaines années, des villes d’Afrique, Asie, Océanie et des Amériques vont rejoindre notre réseau. Mexico a été la première ville membre non-européenne, Miami nous a rejoint en 2010.

 

Avez-vous déjà refusé une candidature ? Cela arrive-t-il souvent ?

Non, la direction d’ICORN n’a, à ce jour, jamais refusé de candidature. Dans la plupart des cas, nous sommes en relation avec les représentants des villes candidates pendant plusieurs mois, si ce n’est plusieurs années, avant qu’elles ne deviennent membres, donc nous sommes déjà convaincus de leur éligibilité. Les villes qui ne peuvent pas postuler pour rejoindre le réseau des villes membres d’ICORN sont celles qui ne sont pas en mesure de garantir un environnement sécurisé et sain aux auteurs. Donc une ville qui se trouve de façon permanente en zone de guerre ne peut pas devenir membre. De la même façon, une ville placée dans un pays qui oppresse la liberté d’expression aura des difficultés pour justifier sa candidature. Téhéran est définitivement hors jeu, tout comme Moscou malheureusement, au vu de sa situation actuelle.

 

Après les deux années de placement par ICORN, que deviennent les auteurs ?

Cette une question très importante : tout d’abord, bien qu’ICORN essaye d’être le plus utile possible pour l’écrivain invité, le plus grand soutien vient de la ville d’accueil elle-même. Néanmoins, c’est l’auteur invité lui-même qui est responsable de l’évolution de sa vie et de son destin à l’issue des deux années de soutien. Ce qui arrive après les deux années de placement varie beaucoup. Dans quelques rares cas l’écrivain est en mesure de retourner dans son pays d’origine. Parfois, nous pouvons replacer l’auteur dans une autre ville membre, ou au sein de programmes pour personnes en exil menés par des organisations partenaires. Et, le plus souvent, l’auteur parvient à rester dans la première ville ou pays où il a été placé par ICORN.

 

Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confrontés dans votre action ?

La question de « ce qui arrive après » est un des défis majeurs auquel doit faire face une organisation jeune et en plein développement telle que la nôtre. Une autre question liée est celle de l’immigration et du passage des frontières : comment pouvons nous aider les écrivains à sortir de zones dangereuses pour parvenir jusqu’aux villes refuges ? Un autre défi résolument positif : l’organisation s’agrandit très vite, nous sommes en passe d’atteindre les 40 villes membres, donc cela implique que nous devons nous concentrer sur la meilleure façon de faire fonctionner notre réseau, et la recherche de financements et de ressources est une problématique essentielle pour nous.

 

L’ICORN travaille-t-elle à faire évoluer la situation de la liberté de la presse dans les pays desquels sont issus les écrivains aidés ?

Oui et non : en principe ICORN n’est pas sur le front, à plaidoyer ou à défendre directement les causes. Notre rôle est essentiellement de mobiliser les autres (en l’occurrence les villes) à agir en faveur de la liberté de la presse et de la solidarité internationale. Nous coopérons de très près avec des organisations spécialisées dans ce domaine. PEN International est notre partenaire le plus proche, nous partageons et répartissons les responsabilités et les actions entre nos deux organisations. Assurément, le moyen d’intervention le plus actif d’ICORN concernant les situations que vous évoquez s’effectue à travers un soutien optimal des auteurs invités. Nous nous assurons que leur ville d’accueil favorise et facilite leur résidence, en leur permettant notamment l’accès aux technologies de communication modernes. Ceci afin que, depuis leur position d’exilés, ils puissent directement prendre part à la lutte pour la démocratie et la liberté d’expression dans leur pays d’origine. Nous avons vu à quel point cela s’est avéré efficace lors du Printemps arabe : les écrivains originaires de Syrie et du Yémen ont utilisé les plateformes sécurisées des villes d’accueil pour agir de façon décisive dans le processus révolutionnaire à l’œuvre dans leur pays.

 

Qu’en est-il de la collaboration d’ICORN avec d’autres ONG?

Notre organisation est en train de gagner en importance et en membres, donc nous coopérons avec un nombre croissant de structures non-gouvernementales, gouvernementales et trans-gouvernementales. Amnesty International, le Conseil Européen des Réfugiés et Exilés (ECRE), Reporters Sans Frontières (RSF) sont des ONG qui viennent s’ajouter à PEN International. Parallèlement à cela, les autorités nationales en charge de l’immigration ainsi que l’Union Européenne prêtent de plus en plus d’attention à notre travail. Pour conclure, j’aimerais citer la Charte d’ICORN : « ICORN est une organisation dynamique, flexible et participative, mettant en relation ses villes membres et ses écrivains invités au sein d’un réseau global de solidarité, créativité et interaction mutuelle. »

 

Propos recueillis par Céline Garcia

Pour aller plus loin :

Pour en savoir plus sur ICORN : http://www.icorn.org/

Pour en savoir plus sur PEN International : http://www.internationalpen.org.uk/index.cfm?objectid=8CA85211-E0C4-ED84-06E7E89F206872AD

Pour en savoir plus sur Mana Neyestani : http://www.facebook.com/pages/Mana-Neyestani-Fan-Page/114760155206649

 

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