
Outre-mer : le rapport Baptiste monte au front contre le rabot des exonérations sociales
À l’Assemblée nationale, Christian Baptiste ne mâche pas ses mots. Le député socialiste de Guadeloupe, rapporteur d’une mission d’information sur les exonérations LODEOM (Loi pour le développement économique des Outre-mer), s’oppose fermement aux recommandations de l’Inspection Générale des Finances (IGF) et de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS), qui, en mai dernier, proposaient jusqu’à 308 millions d’euros de coupes budgétaires. Selon lui, toucher à ce dispositif reviendrait à condamner l’économie ultramarine, composée à 90 % de petites entreprises déjà étranglées par des handicaps structurels.
Son rapport s’appuie sur 134 auditions et remet la question au cœur du débat, alors que Bercy lorgne ces niches fiscales pour alimenter les économies de la prochaine loi de finances. Baptiste dénonce une logique purement comptable, qui ignore l’isolement géographique, la fragilité des marchés locaux, la dépendance aux importations ou encore l’impact des catastrophes naturelles. Des réalités qui rendent, selon lui, les exonérations vitales pour maintenir l’emploi et la trésorerie des entreprises, surtout quand les collectivités et les hôpitaux paient leurs factures avec plus de six mois de retard.
Le rapport ne ferme pas la porte à une réforme, mais la conditionne à une simplification radicale. Aujourd’hui, les barèmes sont jugés illisibles, les régimes trop nombreux, et les contrôles insuffisants. Près de 20 % des bénéficiaires ne respecteraient pas leurs obligations sociales, faute de suivi efficace des URSSAF (Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales) et des caisses locales de sécurité sociale. Le député appelle à renforcer ces contrôles, mais aussi à alléger les démarches pour les entreprises, en préremplissant les déclarations et en fiabilisant les données.
L’une des principales lignes rouges fixées par Baptiste concerne la tentation de concentrer les exonérations sur les bas salaires. Pour lui, ce serait enfermer les territoires dans une économie de comptoir et décourager l’embauche de cadres et de jeunes diplômés. De même, il rejette l’idée d’un alignement dogmatique de la Guyane sur les autres DROM (Départements et régions d’Outre-mer), rappelant les spécificités de ce territoire marqué par le spatial, l’économie informelle et un tertiaire non marchand hégémonique.
Les recommandations du rapport sont claires : lier toute réforme des exonérations à une amélioration des délais de paiement publics, maintenir un régime élargi pour la Guyane, réformer mais conserver le barème « innovation et croissance » pour les cadres, et fusionner les dispositifs pour les rendre lisibles sans les raboter. Autrement dit : consolider au lieu de détruire.
Dans un contexte où l’exécutif cherche des marges budgétaires, ce plaidoyer tombe à point nommé. Pour Baptiste, les exonérations LODEOM ne sont pas un cadeau, mais une compensation minimale face aux handicaps ultramarins. Les supprimer, martèle-t-il, reviendrait à sacrifier des milliers d’emplois et à condamner les Outre-mer à rester des économies fragiles, dépendantes et précarisées. Reste à savoir si ce cri d’alerte pèsera plus lourd que les calculs de Bercy.
Patrice Clech

















