
Pacifique : Jeff Bezos met son argent au service de l’océan
Le milliardaire Jeff Bezos s’offre une nouvelle immersion dans la philanthropie environnementale. Cette fois, cap sur le Pacifique, où son Bezos Earth Fund vient de débloquer 37,5 millions de dollars, soit près de 3,7 milliards de francs, pour soutenir la protection marine dans douze pays et territoires insulaires. Une mise de départ censée enclencher la réalisation d’un projet d’ampleur : transformer la région en plus grand réseau coordonné d’aires marines protégées du monde.
L’annonce, portée par Bezos et son épouse Lauren Sánchez, veut frapper fort. Le fonds rappelle que l’objectif rejoint la promesse internationale dite « 30×30 » : protéger 30 % des terres et océans de la planète d’ici 2030. Pour le Pacifique, la vision est encore plus large : gérer durablement 100 % de ses eaux, en sanctuarisant les zones à la fois riches en biodiversité et essentielles pour les communautés locales.
La manne financière se déclinera selon les besoins. Aux Îles Salomon et à Tuvalu, de nouvelles zones seront identifiées en associant étroitement les populations. Aux Samoa et aux Fidji, l’argent servira à concrétiser les plans nationaux déjà écrits, en rendant effective la protection de 30 % des eaux nationales. Ailleurs, comme à Niue et Palau, où des dispositifs existent déjà, le soutien se concentrera sur l’application de la loi, la surveillance écologique et surtout la garantie d’un financement durable. En Polynésie française, quatre millions de dollars sont fléchés vers la création de vastes aires marines protégées et de zones de pêche artisanale, avec un accent mis sur la finance verte et la participation des communautés.
La Communauté du Pacifique (CPS), cheville ouvrière du projet, insiste : il ne s’agit pas de « tracer des lignes sur une carte », mais bien de bâtir un système pérenne, à la fois écologique et économique. Un discours destiné à répondre aux critiques fréquentes sur les projets internationaux, souvent accusés de privilégier l’affichage au détriment du concret. Car la méfiance n’est pas absente. Dans une région où l’essentiel de l’alimentation et des revenus dépend encore directement de la mer, les habitants redoutent parfois que les grandes annonces se traduisent par de nouvelles contraintes sans bénéfices visibles. Bezos et ses partenaires, de la Fondation Waitt à la Blue Nature Alliance, promettent au contraire de financer des mécanismes durables, avec un rôle central confié aux communautés locales.
Pour Jeff Bezos, l’opération s’inscrit dans une stratégie déjà entamée. Avec 10 milliards de dollars engagés sur dix ans via le Bezos Earth Fund, l’ancien patron d’Amazon veut s’imposer comme l’un des mécènes écologiques les plus influents de la planète. « Le Pacifique n’est pas seulement un décor, c’est une bouée de sauvetage », a souligné Lauren Sánchez, en présentant le projet comme l’une des initiatives marines les plus audacieuses jamais lancées.
Reste à savoir si cette pluie de dollars réussira à conjurer la réalité : la surexploitation des ressources, le poids du changement climatique et l’érosion accélérée des écosystèmes marins. Derrière la communication, le défi est immense. L’argent de Bezos pourra-t-il faire basculer le Pacifique de la promesse à l’action ? C’est toute l’équation de cette philanthropie océanique.
Patrice Clech

















