
Guadeloupe – la banane a un goût amer
La colère gronde chez les planteurs guadeloupéens. La filière banane, déjà fragilisée par l’explosion des coûts de production, se voit amputée de près de 500 000 euros par an. En cause : une décision de l’État français, validée à Bruxelles, de réduire de deux millions d’euros l’enveloppe POSEI (Programme d’options spécifiques à l’éloignement et l’insularité) dédiée aux Antilles. Une coupe qui profite directement à la Martinique, au grand dam des producteurs de Guadeloupe.
Dans un courrier adressé au préfet Thierry Devimeux, fraîchement nommé à Basse-Terre, Francis Lignières, président des Producteurs de Guadeloupe, ne mâche pas ses mots. Il dénonce une « décision profondément injuste » qui risque de « fragiliser encore un peu plus » une production déjà sous pression. Selon lui, les exploitations guadeloupéennes affichent un excédent brut d’exploitation bien en dessous des standards agricoles, et cette perte viendra aggraver une situation financière critique.
La redistribution opérée par Paris trouve son origine dans une demande du président de la Collectivité de Martinique, Serge Letchimy, formulée lors des discussions autour du protocole contre la vie chère à Fort-de-France en octobre 2024. Résultat : la Martinique, qui capte déjà plus des trois quarts des crédits POSEI affectés à la banane, voit son avantage renforcé, tandis que la Guadeloupe encaisse une ponction supplémentaire.
Pour les producteurs, l’État envoie un signal désastreux. On leur demande depuis des années de produire « mieux et plus », rappelle Francis Lignières, mais désormais « avec moins ». La coupe budgétaire, bien qu’apparente dans les chiffres, se traduit sur le terrain par des marges rognées, des investissements retardés et une compétitivité amoindrie face aux autres bassins de production.
Conscients de l’effet délétère de cette décision, les bananiers guadeloupéens demandent en urgence une rencontre avec le préfet afin d’exposer les conséquences de cette répartition jugée inéquitable. Ils entendent rappeler que la banane n’est pas seulement un produit agricole : c’est un pilier de l’économie locale et un amortisseur social, employant des centaines de travailleurs et structurant tout un territoire.
Reste à savoir si l’État entendra cet appel et trouvera des mécanismes de compensation. Faute de quoi, les producteurs préviennent : cette « pilule amère » pourrait bien peser lourd sur l’avenir de la banane guadeloupéenne.
Patrice Clech

















