
L’illettrisme, un défi colossal pour Mayotte
Les chiffres dévoilés lors d’une conférence organisée à Mayotte par le Carif-Oref, l’Insee et l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme dressent un constat implacable : six adultes sur dix rencontrent des difficultés à l’écrit en français. Une proportion qui illustre l’ampleur d’un problème devenu structurel, affectant la vie quotidienne, l’accès à l’emploi et la participation citoyenne.
Les inégalités apparaissent dès les premières lectures. Les femmes sont particulièrement touchées (63 % contre 58 % pour les hommes), tout comme les jeunes adultes : près de la moitié des Mahorais de 18 à 25 ans sont concernés, contre seulement 6 % dans l’Hexagone. Plus frappant encore, 11 % des diplômés du supérieur avouent des difficultés persistantes, preuve que le système éducatif ne parvient pas à corriger durablement ces lacunes. Pour Youssouf Moussa, directeur du GIP Carif-Oref, ces fragilités s’accumulent dès l’école : les bases ne sont pas solides, même si les élèves fréquentent les classes.
Au-delà de la salle de classe, l’illettrisme mine l’insertion professionnelle et entretient la pauvreté. Sans maîtrise de la lecture et de l’écriture, l’accès aux droits et à l’information devient un parcours semé d’embûches. Selon les acteurs réunis, il faut donc dépasser la seule dimension scolaire pour aborder la question sous l’angle social et professionnel. Les demandeurs d’emploi doivent bénéficier de dispositifs adaptés, et les collectivités locales ne peuvent assumer seules cette mission : l’État est appelé à s’engager davantage.
Pour Nabil Mrad, directeur de l’école de commerce de Mayotte ESCGM, il y a urgence à élaborer une stratégie globale. Lire et écrire ne suffisent pas : il faut inscrire la lutte contre l’illettrisme dans un accompagnement plus large, afin d’offrir des perspectives réelles aux jeunes et aux adultes en difficulté. Faute de quoi, avertit-il, les mêmes constats qu’il y a vingt ans risquent d’être encore d’actualité dans deux décennies.
La bataille contre l’illettrisme à Mayotte ne relève donc pas d’un simple enjeu éducatif. Elle engage l’avenir du département tout entier, sa capacité à se développer et à réduire des inégalités qui fragilisent déjà le tissu social.
Patrice Clech

















