
La Réunion : charges locatives, le social plus cher que le privé
Samedi dernier, la Confédération nationale du logement a jeté un pavé dans la mare : selon son dernier Observatoire, les charges locatives à La Réunion pesaient en moyenne 16 % du loyer, parfois jusqu’à 25 %, et elles étaient 48 % plus élevées dans le parc social que dans le privé. Une enquête menée en 2022 et 2023 sur 250 groupes d’habitation gérés par les sept bailleurs sociaux de l’île a mis en lumière des anomalies répétées dans les calculs de provisions, soit largement sous-évaluées, soit gonflées sans justification.
Certains locataires en ont payé le prix fort. À la Semader, des familles ont dû régler jusqu’à 500 euros supplémentaires, des sommes capables de mettre un budget familial au tapis. Ailleurs, comme à la cité Magellan du Port ou à la résidence Marc-Boyer de Saint-Denis, des provisions ont été facturées pour des équipements inexistants ou encore sous garantie. Résultat : 32 000 euros de charges réclamés aux habitants d’un immeuble neuf de 25 logements, pour des prestations jamais réalisées.
Les écarts ne se limitent pas aux cas isolés. Entre 2018 et 2023, la résidence Melchior de La Possession (SIDR) a vu ses charges bondir de 46 %, tandis que celles du Ruisseau Blanc à La Montagne (Sodiac) grimpaient de 32 %. Des progressions qualifiées de « disproportionnées » par la CNL, sans amélioration tangible des services rendus aux locataires.
Erick Fontaine, administrateur de la CNL, a pointé le manque de rigueur des bailleurs sociaux, accusés de ne pas contrôler leurs appels d’offres et de négliger l’application des pénalités de retard aux entreprises. « On ne compte plus les ascenseurs immobilisés ou les espaces verts à l’abandon », a-t-il souligné. Des manquements qui, selon lui, faussent le marché et entretiennent l’habitude d’entreprises peu scrupuleuses.
Face à ce constat, la CNL a recommandé un durcissement des pratiques : provisions réalistes pour éviter des régularisations excessives, contrôles accrus de la conformité des prestations, application systématique des pénalités et introduction de clauses de performance dans les contrats. Elle a aussi plaidé pour la mutualisation des contrats d’entretien et de maintenance, censée réduire les coûts et ramener un peu d’équité entre parc social et privé.
En attendant, le paradoxe demeure : à La Réunion, les ménages les plus modestes, logés dans le parc social, continuent de payer leurs charges plus cher que dans le secteur privé, sans que la qualité de service suive la même courbe.
Patrice Clech

















