
Hier, les élus du Congrès ont tranché : faute d’assurances fiables depuis les émeutes, les entreprises calédoniennes devront désormais apprendre à se couvrir elles-mêmes. À une écrasante majorité (47 voix pour, une abstention), les représentants ont adopté la création d’un « fonds de réserve spécial », pensé comme un outil d’auto-assurance et porté par la présidente du groupe Rassemblement, Virginie Ruffenach.
L’idée est simple : permettre aux sociétés et aux patentés de déposer chaque année une partie de leurs bénéfices dans une cagnotte défiscalisée, utilisable en cas de sinistre. Une bouée de sauvetage rendue indispensable depuis que la garantie « émeutes et mouvements populaires » a disparu des contrats au lendemain de la crise. Pire, certaines entreprises établies dans des zones jugées trop exposées se sont vu refuser jusqu’aux couvertures de base, comme le dégât des eaux ou l’incendie. Dans ce contexte, impossible d’obtenir un prêt bancaire : sans garanties, pas d’investissements, parfois pas même de survie.
Le nouveau dispositif fixe une limite : les dépôts annuels ne pourront pas dépasser 5 % de la valeur des actifs à protéger. Autrement dit, vingt ans seraient nécessaires pour reconstituer totalement un outil de production détruit. Mais selon Virginie Ruffenach, dès trois ou quatre ans d’épargne, une entreprise disposerait déjà d’une couverture partielle de 15 à 20 %. De quoi, espère-t-elle, rassurer les banques. Le président de la Fédération locale a d’ailleurs confirmé en commission que ce mécanisme représentait une garantie suffisante pour débloquer des crédits, même si chaque dossier sera examiné au cas par cas.
Pour éviter les abus, le texte prévoit que tout retrait non lié à un sinistre entraîne le remboursement de l’impôt éludé, assorti d’une pénalité de 5 %. Initialement fixée à 15 %, cette sanction a été revue à la baisse après un avis défavorable du Conseil d’État. L’unique exception reste l’indemnisation consécutive à un sinistre, cas où l’entreprise pourra utiliser intégralement sa réserve sans être redevable.
Reste que cette solution n’a rien de définitif. Les élus l’assument : il s’agit d’un palliatif en attendant la mise en place d’un fonds de garantie national. Depuis 2024, le gouvernement calédonien et Bercy discutent d’un mécanisme où l’État agirait comme réassureur, incitant les compagnies à réintégrer les risques exclus. Un modèle inspiré du dispositif déjà en vigueur en métropole pour le terrorisme. Mais les obstacles juridiques ralentissent le chantier, et aucune avancée concrète n’a encore vu le jour.
En attendant, les entrepreneurs calédoniens n’ont plus le choix. Privés d’assurances complètes et exposés à des primes inchangées malgré la réduction des garanties, ils devront compter sur leurs propres réserves. Un pari risqué, mais la seule planche de salut immédiate face à un marché assurantiel qui s’est effondré depuis les émeutes.
Patrice Clech

















