
Le 16 août 2005, à l’aube, un McDonnell Douglas MD-82 de la compagnie colombienne West Caribbean Airways s’écrasait dans un champ près de Machiques, à l’ouest du Venezuela. Parti la veille au soir de Panama, le vol charter YH 708 devait ramener à Fort-de-France 152 passagers martiniquais, clients d’un voyagiste local, ainsi que huit membres d’équipage colombiens. Aucun survivant.
La Martinique s’est réveillée ce jour-là amputée d’une partie de ses familles, certaines ayant perdu plusieurs proches d’un coup. L’ampleur du drame tient autant au nombre total de victimes qu’à la violence de cette hécatombe familiale, qui a bouleversé l’île entière et déclenché un deuil collectif inédit.
Dès l’annonce du crash, une cellule médico-psychologique était installée à l’aéroport de Fort-de-France sous la direction d’Alex Bouttius. Psychologues, psychiatres et infirmiers y ont accueilli les proches, recueillant les premiers cris et larmes. Des groupes de parole et un travail de « déchoquage émotionnel » ont suivi, pour aider les familles à mettre à distance la douleur, pas la mémoire des disparus, mais la souffrance brute. Dans les semaines suivantes, l’accompagnement s’est prolongé dans les centres médico-psychologiques ou en thérapie individuelle, avec un rôle déterminant du soutien familial.
Certains portent un fardeau particulier. Christiane Renard, qui avait pris ce même appareil une semaine plus tôt, se souvient d’un vol glacial, au service minimal et à l’avion vieillissant, accumulant selon elle les anomalies. Elle garde un sentiment de culpabilité, estimant ne pas avoir su alerter à temps sur les risques.
Vingt ans ont passé, mais le choc demeure. Pour les familles comme pour les témoins, l’accident reste une cicatrice qui ne se referme pas. En Martinique, le souvenir des 160 disparus reste vivace, rappelant à chaque commémoration la fragilité des vies suspendues à quelques milliers de mètres d’altitude. Le crash de la West Caribbean n’a pas seulement marqué l’histoire aérienne de l’île : il a gravé dans sa mémoire collective la nécessité de ne jamais oublier.
Patrice Clech


















