
L’affaire a fait grand bruit à Mamoudzou dès les premières heures de la matinée. Le 30 juillet, dans le quartier de Kawéni, un jeune Comorien en situation irrégulière a été grièvement blessé par balle lors d’une intervention de la Police aux frontières.
La rumeur a enflé très vite : l’homme, Dhali Moussa Djaloud, 26 ans, aurait reçu un tir dans le bas du dos, alors qu’il fuyait à pied. Un geste que ses avocats qualifient d’injustifiable. Le parquet, lui, livre une toute autre version.
Dans les jours qui ont suivi les faits, la rumeur a enflé sur les réseaux sociaux : un mort, un tir à bout portant, un dérapage policier. De quoi enflammer les rues déjà sous tension.
Il aura fallu un communiqué du procureur de la République pour tenter d’éteindre l’incendie. Selon lui, les policiers du Groupe d’appui opérationnel intervenaient pour interpeller un groupe d’individus lorsqu’ils auraient été pris à partie, cernés et visés par des jets de pierres. Les forces de l’ordre auraient alors essuyé une « embuscade », nécessitant un usage « proportionné » de la force.
Pour lees avocats de Dhali Moussa Djaloud, aujourd’hui hors de danger, leur client aurait tenté de prendre la fuite. Un refus d’obtempérer en somme aux conséquences dramatiques : il aurait été atteint d’une balle dans le dos, sans sommation, par un policier de la PAF. L’homme, désormais hospitalisé, souffre de troubles neurologiques et d’un déficit moteur à la jambe droite, laissant craindre des séquelles permanentes. Le tir, affirment ses conseils, n’avait « ni nécessité ni justification ». Ils exigent l’ouverture d’une enquête indépendante et le dessaisissement du parquet de Mayotte.
L’émotion est d’autant plus vive que cet épisode survient deux semaines seulement après un drame en mer. Le 15 juillet, au large de l’île, une embarcation clandestine de type kwassa-kwassa a heurté un intercepteur de la police, provoquant son chavirement. Deux passagers ont perdu la vie malgré les efforts des forces de l’ordre. La préfecture a invoqué une manœuvre d’évitement du kwassa, qui aurait refusé de s’arrêter. Là encore, une enquête a été ouverte, mais les associations de défense des migrants, très contestées par l’immense majorité des Mahorais, dénoncent, comme à leur habitude, la politique sécuritaire.
À Mayotte, où la question migratoire cristallise les tensions, chaque incident est un révélateur. Et parfois, une étincelle.
Patrice Clech

















