
Officiellement présenté comme une réforme d’envergure, le plan de décentralisation du gouvernement polynésien n’a, pour l’instant, pas déclenché de grève ni de tollé syndical. Mais derrière l’apparente sérénité, les centrales s’interrogent, grincent parfois, et attendent des garanties. Car déplacer 1 500 fonctionnaires et 22 services en douze ans hors de Papeete, ce n’est pas une opération neutre. Et les syndicats entendent bien être partie prenante du processus.
À la Fraap, l’un des syndicats les plus représentés, on reconnaît dans ce projet une occasion de désengorger une capitale saturée, et une opportunité d’aménagement du territoire à ne pas manquer. Mais le ton reste prudent. Jean-Gabriel Rousseau, secrétaire général délégué, rappelle que ce sont des familles entières qu’il s’agira de déplacer. Logement, scolarité, transports, qualité de vie : les implications sont nombreuses, et exigent selon lui « beaucoup de concertation » et « de l’intelligence collective ».
Même son de cloche du côté de la CSTP-FO, où Patrick Galenon juge le projet « nécessaire » pour permettre à la presqu’île de se développer enfin. Pour lui, créer une « deuxième ville » est presque devenu vital face à l’étouffement progressif de Papeete. Mais là aussi, l’adhésion de principe s’accompagne d’un appel à la prudence.
Chez Otahi, en revanche, la méfiance est plus nette. Lucie Tiffenat rappelle que ce n’est pas la première fois que Taravao est désigné comme pôle administratif de demain… sans lendemain. Elle doute que ce projet soit différent, même si elle reconnaît que certains agents habitant loin de Papeete pourraient y voir un avantage personnel.
Quant à Cyril Le Gayic de la CSIP, le verdict est sans détour : « une usine à gaz ». Le syndicaliste dénonce un gouvernement qui, selon lui, met la charrue avant les bœufs. À ses yeux, les routes devraient être traitées en priorité avant toute relocalisation d’administration. Il pointe les risques de désorganisation, les reclassifications compliquées, les embauches mal anticipées et les effets collatéraux sur la vie des agents.
Enfin, du côté de O Oe to Oe Rima, on partage le même scepticisme : « c’est virtuel, ce n’est pas encore du concret », juge Atonia Teriinohorai, tout en reconnaissant les bénéfices potentiels sur la circulation.
Le gouvernement, qui a déjà lancé un sondage auprès de ses agents, sait qu’il devra marcher sur des œufs. D’autant que derrière chaque poste déplacé, il y a une famille à convaincre. Les 27 milliards de francs d’investissement annoncés devront s’accompagner d’un calendrier clair, d’un dialogue nourri, et surtout, de décisions concrètes. Faute de quoi, ce projet de décentralisation pourrait bien rejoindre les cartons de ses prédécesseurs.
Patrice Clech

















