Opinion Outre-Mer
17H37 - jeudi 24 juillet 2025

Martinique : psychiatrie au bord de la rupture, blocage annoncé

 
Martinique : psychiatrie au bord de la rupture, blocage annoncé

Ce jeudi 24 juillet à l’aube, la circulation devrait fortement ralentir au rond-point de Mangot-Vulcin, devant la Cité Hospitalière de Fort-de-France. Une opération molokoi – version locale de l’escargot – est prévue dès 6h30. À l’origine de cette mobilisation : une colère profonde, nourrie par des mois d’alerte restés sans réponse. Trois syndicats majeurs – CDMT, CGTM et UGTM – tirent une nouvelle fois la sonnette d’alarme sur l’état critique de la psychiatrie en Martinique. Et cette fois, ils comptent bien faire entendre ce que, jusque-là, personne ne semble vouloir écouter.

Le Centre Hospitalier Maurice Despinoy (CHMD), établissement pivot de la santé mentale sur l’île, est décrit par les syndicats comme en perdition. Le nombre de psychiatres y est jugé dramatiquement insuffisant. Le mot est à peine exagéré : il n’y en a presque plus. Résultat, des services entiers tournent au ralenti, certains CMP (centres médico-psychologiques) suspendent les soins, et les urgences psychiatriques se transforment en zones de tension permanente. L’attente explose, les prises en charge s’effondrent, les personnels craquent. Et dans les couloirs, la détresse des patients devient la norme.

« Pani doktè ba la psikatri… Kanno a ka pwan dlo », lâchent les syndicats dans un communiqué en créole qui en dit long : il n’y a plus de médecins pour la psychiatrie, et la barque prend l’eau. Au-delà de la formule, le constat est glaçant : les équipes sont dépassées, les agressions se multiplient, les forces de l’ordre sont appelées de plus en plus souvent. La situation ne tient plus que par la volonté – et l’épuisement – des soignants restants.

Pour les représentants syndicaux, une responsabilité centrale se dégage : celle de l’Agence Régionale de Santé. À plusieurs reprises, des demandes de rencontre ont été adressées à son directeur général. Toutes seraient restées lettre morte. Ce silence administratif est vécu comme une insulte par ceux qui, chaque jour, tentent de maintenir un semblant de prise en charge dans un système à genoux. L’ARS est désormais désignée comme complice passive de la dégradation générale. L’indifférence perçue ajoute une couche de tension à une crise qui n’a rien d’invisible.

Mais cette fois, il ne s’agit pas seulement d’un cri des syndicats. C’est un appel plus large, lancé à la population et aux élus de l’île. Les organisateurs de la mobilisation insistent : la santé mentale n’est pas une question secondaire, elle concerne tout le monde. Familles, collègues, voisins : personne n’est à l’abri du vide dans lequel glisse actuellement le service public psychiatrique. Le 24 juillet, ils veulent voir du monde sur la route, mais surtout dans les rangs.

Alors que les chiffres de la violence, des troubles anxieux et des situations d’urgence psychiatrique ne cessent d’augmenter, l’absence de réponse politique prend des allures de renoncement. L’opération molokoi prévue ne se limite pas à un simple ralentissement de la circulation. C’est une tentative de freiner le naufrage. Une manière d’exiger, enfin, que la santé mentale ne soit plus reléguée aux marges du système, ni de l’action publique.

 

Patrice Clech

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