
Guadeloupe – eau en détresse, le SMGEAG tente une refonte totale
La réorganisation en urgence du SMGEAG (Syndicat Mixte de Gestion de l’Eau et de l’Assainissement de Guadeloupe) ressemble moins à un choix stratégique qu’à un réflexe de survie. Sous la pression constante des coupures d’eau et des fuites à répétition, le syndicat, en première ligne de la crise hydraulique guadeloupéenne, engage une mutation forcée. Derrière les mots choisis de « nouvelle phase » et « mutualisation », un constat brutal : le système ne tenait plus. Et pour rattraper des années de sous-investissement, il faut maintenant bricoler vite, avec ce qu’on a.
Pas question, pour l’instant, de recruter. Le président Ferdy Louisy l’assume : la réponse passera par une mobilité interne des agents. Concrètement, les personnels jugés en surnombre dans certaines zones sont déplacés vers les communes les plus sinistrées : Le Moule, Sainte-Anne, Goyave, Capesterre-Belle-Eau, Saint-François, Le Gosier ou encore Les Abymes. Une opération commando, à effectif constant, pour éviter de nouvelles ruptures d’alimentation et tenter de colmater les brèches, au propre comme au figuré.
Mais cette réorganisation d’apparence technique n’est en réalité que le début d’un audit RH en profondeur. L’objectif affiché : créer un organigramme de gestion de crise capable de réagir dès le premier signalement. Une utopie dans un territoire où l’eau manque plus souvent qu’elle ne coule, et où les usagers, excédés, dénoncent un silence abyssal de la part des services publics.
Sur ce point, le SMGEAG tente aussi une opération de reconquête. Les critiques sur la communication – ou l’absence totale d’information lors des coupures – ont fini par atteindre les étages dirigeants. Résultat : le syndicat promet désormais des lettres d’information ciblées, des publications plus régulières sur les réseaux sociaux, et un effort de pédagogie pour « expliquer les contraintes techniques ». Il s’agit moins de prévenir les coupures que de mieux les faire accepter. L’enjeu n’est plus seulement opérationnel, il est psychologique : rétablir un minimum de confiance avec une population qui n’y croit plus.
Mais derrière cette « gestion de crise », le président Louisy voit déjà plus loin. Il parle d’un plan Marshall, rien de moins. Dans sa ligne de mire : les canalisations vétustes, parfois centenaires, qui fuient autant qu’elles distribuent. Et les usines de production, en bout de souffle, incapables de répondre à la demande croissante. Le changement climatique, avec ses effets déjà visibles sur la rivière du Grand Carbet, ne fait qu’aggraver la situation. Il faut capter, stocker, préserver. Bref, refaire tout ce qui n’a pas été fait depuis des décennies.
Et le président ne mâche pas ses mots sur l’héritage. L’ancienne régie Eau d’Excellence, dit-il, a laissé « un champ de ruines ». En clair : la maison brûle, et les fondations sont pourries. Il ne s’agit plus de rafistoler, mais de reconstruire. Lentement, péniblement, sans certitude de résultat.
Le SMGEAG lance donc son opération redressement, avec les moyens du bord, sur fond de colère populaire et d’urgence climatique. Il ne promet pas de miracle, mais tente d’éviter l’effondrement. L’eau manque, la patience aussi. Le syndicat joue désormais sa crédibilité sur le terrain. Parce qu’une crise de l’eau, ce n’est pas seulement une panne de service : c’est un échec politique, logistique et humain.
Patrice Clech

















