Opinion Outre-Mer
07H01 - jeudi 3 juillet 2025

Pourquoi la précarité augmente en Martinique ?

 

La pauvre réalité des Martiniquais

Il aura fallu attendre juillet 2025 pour que des chiffres officiels viennent confirmer ce que tout le monde savait déjà : la Martinique s’enfonce dans la précarité. Le 10 juillet, lors d’un séminaire organisé par 19 centres communaux d’action sociale (CCAS), le constat est tombé comme un couperet : 28 % des Martiniquais vivent sous le seuil de pauvreté. Presque un tiers d’une population frappée par des maux que les institutions peinaient à mesurer jusque-là.

La nouveauté, ce n’est pas la misère, c’est l’ampleur qu’elle prend, et la lucidité nouvelle avec laquelle on commence – timidement – à l’observer. Pour établir ce diagnostic, une démarche inédite a été menée : une analyse commune des besoins sociaux, coordonnée entre les CCAS de Basse-Pointe, Case-Pilote, Le François, Le Lamentin, Morne Rouge, Rivière-Salée, Le Robert, Saint-Esprit, Ducos, Diamant, Trois-Îlets, Sainte-Marie, Le Vauclin, Saint-Joseph, Le Marin, Le Lorrain, Fort-de-France, Gros-Morne et Schœlcher. Une alliance rare, presque historique, dans un territoire souvent morcelé par les divergences locales.

Mais cette cartographie sociale ne fait pas dans la nuance : le ver est dans le fruit, et l’érosion touche aussi bien les marges que le cœur. Ce ne sont plus uniquement les laissés-pour-compte qui basculent. Désormais, les jeunes, les parents isolés, et même ceux qui travaillent peinent à maintenir la tête hors de l’eau. La pauvreté s’installe dans des foyers jadis considérés comme stables. Ce glissement progressif de la fragilité vers la norme inquiète autant qu’il dérange.

Selon la directrice du CCAS de Saint-Esprit, plusieurs facteurs se conjuguent pour expliquer cette dérive : un coût de la vie qui grimpe sans retenue, une population vieillissante souvent délaissée, et un accès aux soins et aux droits sociaux qui demeure trop compliqué pour les plus fragiles. Des maux connus de tous, mais rarement traduits en données chiffrées. « Enfin, on peut mettre des chiffres sur ce que l’on constate chaque jour », glisse-t-elle avec un réalisme froid.

L’analyse ne se contente pas de souligner les dégâts. Elle révèle aussi des initiatives locales qui tentent de contenir l’effondrement. Au Lamentin, par exemple, une cellule d’accompagnement pour mères isolées mêle ateliers de théâtre et soutien social, dans l’espoir de redonner confiance à celles que la précarité a rendues invisibles. Ce type de réponse, ciblée et concrète, reste encore trop isolé pour endiguer un phénomène devenu systémique.

Le tableau est sombre, et il ne date pas d’hier. Mais en associant pour la première fois 19 communes dans une démarche partagée, les CCAS ont ouvert une brèche. Celle d’une possible coordination, d’une stratégie unifiée face à une réalité que les politiques publiques ont trop longtemps fragmentée. Le seuil de pauvreté n’est plus une abstraction statistique : il s’incarne dans les visages, les rues, les habitudes de survie.

Reste à savoir si cette étude ne sera qu’un rapport de plus, ou si elle servira de levier pour repenser – réellement – les politiques sociales sur l’île. Car 28 %, ce n’est pas seulement une donnée. C’est un signal. Un cri. Un électrochoc, espérons-le, dans une société qui s’habitue dangereusement à sa propre dégringolade.

C’est surtout un bilan sans appel : celui du double échec cuisant de la CTM (Collectivité Territoriale de Martinique) et du modèle d’assistanat qui se combinent pour tirer les Martiniquais vers le bas et dans l’escarcelle des démagogues. La lutte contre la vie chère, loi Valls ou non, cela commence par donner du travail et l’envie à chacun de se prendre par la main pour sortir de la misère.

 

Patrice Clech et Michel Taube

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