
Pour Christian Baptiste, il y a des silences qui tuent, et des lois qui nient. Le 1er juillet dernier, le député guadeloupéen a décidé de briser les deux à la fois. Face au gouvernement, il a réclamé haut et fort que l’inceste devienne, enfin, un crime autonome dans le Code pénal. Non pas un simple aggravant. Mais une infraction à part entière, nommée, reconnue, qualifiée. Un geste politique autant que juridique. Une nécessité, dit-il, pour faire tomber l’un des derniers tabous de la République.
En 2025, violer son propre enfant est toujours jugé comme un viol… aggravé. Comme si le lien de sang ne suffisait pas à établir l’ignominie. Comme si la monstruosité devait encore être relativisée. Christian Baptiste parle d’une « hypocrisie juridique », d’un vide aussi criant que structurel. Et surtout, il parle des Outre-mer, où l’inceste se terre derrière des murs : celui du silence social, celui de l’éloignement géographique, et celui d’un État qui, selon lui, reste trop souvent sourd à la douleur des victimes.
Ce triple verrou, il l’a dénoncé avec force à la tribune de l’Assemblée. Des enfants renvoyés chez leurs agresseurs, des plaintes étouffées, des professionnels désarmés, des récidives évitables. Des scènes d’effroi racontées encore et encore par des mères, des psychologues, des survivants. Et cette impunité « structurelle », qui selon lui continue d’organiser la fuite des responsabilités. « Quand allez-vous protéger les victimes plutôt que les bourreaux ? », a-t-il lancé au banc des ministres.
Christian Baptiste n’en est pas à sa première alerte. Il organise des colloques au Parlement, travaille avec des associations comme Collective Femmes, Outre-mer et du Monde, et prépare une proposition de loi qui posera noir sur blanc ce que la société ne veut plus taire. Il veut inscrire l’inceste comme crime spécifique, avec un régime de poursuite et de protection renforcé, à la hauteur du traumatisme infligé. Nommer l’horreur pour enfin l’affronter.
Face à lui, le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, a joué la carte institutionnelle. Il a évoqué la création en Guadeloupe d’une unité spécialisée contre l’inceste, et les « Salles Mélanie » installées dans les gendarmeries et les hôpitaux pour l’audition des mineurs victimes. Il a promis un rapport sur la coordination judiciaire d’ici au 30 septembre, et s’est dit prêt à travailler avec le garde des Sceaux sur une possible réforme législative. Un engagement de principe, sans échéance précise.
Mais pour le député, il ne s’agit plus d’attendre. Il s’agit de reconnaître. Tant que l’inceste ne sera pas nommé dans le Code pénal, il restera partiellement nié. Tant que les victimes devront se battre pour prouver que le lien familial aggrave l’atteinte, la justice continuera de rater sa cible. Et tant que les territoires ultramarins seront laissés avec des dispositifs morcelés, l’impunité continuera de se reproduire.
Christian Baptiste l’assume : sa proposition vise à « lever les silences » et à rompre avec des décennies d’aveuglement légal. Ce qu’il réclame, ce n’est pas une faveur. C’est une reconnaissance. Celle d’un crime si intime qu’il se cache jusque dans les plis du droit.
Patrice Clech

















