
Oropouche : l’ombre du virus plane au-dessus de la Martinique
En Martinique, les autorités sanitaires gardent les yeux rivés sur le virus Oropouche, un arbovirus qui se propage à grande vitesse en Amérique du Sud et dans plusieurs pays de la Caraïbe. Aucun cas local n’a encore été détecté, mais la présence confirmée de son vecteur principal sur l’île suffit à alimenter l’inquiétude.
Ce virus, peu connu du grand public, se transmet par des moucherons du genre Culicoïdes. Contrairement aux moustiques, ces minuscules insectes sont capables de parcourir de longues distances, portés par les vents, traversant des plans d’eau et atteignant des zones jusqu’alors indemnes. Et c’est précisément ce qui alerte les spécialistes : deux espèces de Culicoïdes sont désormais installées en Martinique. Culicoïdes furens, déjà bien implanté sur les côtes, et surtout Culicoïdes paraensis, détecté plus récemment à l’intérieur des terres, dans un contexte marqué par l’arrêt des épandages aériens. Une coïncidence jugée sérieuse par les entomologistes.
L’infection se manifeste par une fièvre brutale, des frissons, de violents maux de tête, des douleurs musculaires, parfois des vomissements ou des éruptions cutanées. En Amérique du Sud, certains cas graves ont été recensés, avec des formes neurologiques, des décès et même des anomalies fœtales. En France, Santé publique évalue le risque comme élevé pour les territoires ultramarins, Martinique incluse. Ce niveau peut évoluer, mais il confirme la vigilance actuelle.
En parallèle, la population ressent déjà les effets indirects. L’allergologue Emmanuelle Florent observe une flambée des consultations pour piqûres de moucherons. « C’est devenu ingérable. Certaines réactions sont intenses, les démangeaisons insupportables », décrit-elle. Les cas de lésions cutanées durables se multiplient, comme celui de Vanessa, une patiente dont les marques sombres sur la peau persistent plusieurs semaines après les piqûres.
Et pourtant, aucune solution n’est véritablement disponible. Pas de vaccin, pas de traitement, et surtout, une inefficacité des répulsifs classiques contre ces insectes. Léa Donardim, à la tête du syndicat des pharmaciens, confirme que les produits antimoustiques vendus en pharmacie ne protègent pas contre les Culicoïdes. La seule parade, pour l’instant, reste le port de vêtements longs et couvrants. Une contrainte, mais aussi une nécessité.
Pour Manuel Etienne, directeur du centre de démoustication de l’île, l’heure n’est pas à la panique mais à l’anticipation. « Les recherches sur l’homme n’ont pas encore commencé, et nous devons composer avec des contraintes éthiques majeures. » En attendant, les efforts se concentrent sur la surveillance, la sensibilisation et l’action ciblée sur les vecteurs.
Le virus Oropouche n’a pas encore franchi la porte, mais son vecteur, lui, est déjà dans la maison.
Patrice Clech

















