
Nouvelle-Calédonie : convaincre les sceptiques à domicile au Forum sur le changement climatique
Pour convaincre ceux qui n’y croient plus, la Nouvelle-Calédonie a choisi la proximité. Proximité géographique, émotionnelle, scientifique. Le 22 juillet prochain, sur le campus de l’université de Nouville, se tiendra la deuxième édition du Forum sur le changement climatique. Une rencontre entre experts, étudiants et citoyens, avec une idée simple : si certains doutent encore du réchauffement, peut-être qu’un coup d’œil sur ce qui les attend chez eux suffira à les réveiller.
Car désormais, les projections climatiques ne se contenteront plus d’évoquer des moyennes planétaires ou des discours de conférences internationales. Grâce au projet Clipssa, les scientifiques calédoniens affinent la modélisation jusqu’à une maille de 2,5 km². Autrement dit : d’ici 2026, chaque commune, chaque vallée, chaque quartier pourra visualiser son propre futur climatique à l’horizon 2050 ou 2100. Une hausse de +3,5 °C sur la côte Ouest contre +2,8 °C sur la côte Est, des précipitations en chute libre pouvant aller jusqu’à –35 %, et des impacts concrets sur les cultures, les forêts, les littoraux.
Le pari, assumé par Météo France et l’université de Nouvelle-Calédonie, est d’apporter des preuves sur mesure, au plus près du quotidien. Frédéric Atger, directeur de Météo NC, en est convaincu : « Quand les données sont accessibles à l’échelle d’où les gens vivent, elles deviennent des outils puissants de conviction. » Exit les discours alarmistes généralisés, place aux scénarios ciblés, détaillés, presque personnalisés.
Ce changement de cap stratégique intervient dans un contexte global de défiance grandissante envers la science. Encouragé par des figures politiques comme Donald Trump, ce scepticisme gagne du terrain, y compris en Nouvelle-Calédonie. Catherine Ris, présidente de l’université, ne mâche pas ses mots : « On ne parle plus de limiter les dégâts, mais d’apprendre à survivre. » Le cap des +1,5 °C fixé par l’Accord de Paris est désormais considéré comme hors d’atteinte. L’heure est à l’adaptation, pas aux illusions.
Jérémie Katidjo-Monnier, chargé de la transition écologique au sein de l’exécutif, veut remettre les données au cœur du débat : « En 50 ans, la température moyenne en Nouvelle-Calédonie a grimpé de 1,3 °C. C’est simple, factuel, mesurable. Nos politiques publiques doivent s’appuyer sur la connaissance, pas sur les fantasmes. »
Mais dans une époque saturée de fake news et de récits concurrents, encore faut-il savoir comment parler, à qui, et sur quel ton. C’est tout l’enjeu de ce forum qui s’adresse autant aux étudiants qu’au grand public. Conférences, débats, projections et scénarios locaux devraient permettre de recadrer le débat sur une base solide.
Si la science a longtemps parlé d’en haut, elle tente aujourd’hui de se réinstaller dans le réel, au plus près des habitants. Car ce sont eux, et non les modèles numériques, qui devront vivre avec la montée des eaux, les canicules plus longues, les récoltes moins abondantes. Et ce sont aussi eux qui voteront, décideront, s’engageront – ou non.
Alors que l’année 2024 a été la plus chaude jamais enregistrée dans le monde, la Nouvelle-Calédonie tente une autre approche : ne pas convaincre par peur, mais par preuve. Faire sentir, plutôt que prédire. Et replacer la science au cœur de la vie quotidienne, avant qu’elle ne soit réduite, elle aussi, à un vestige du passé.
Patrice Clech

















