Opinion Outre-Mer
17H55 - vendredi 9 mai 2025

Tempête européenne sur la CTM : l’argent de Bruxelles s’est-il volatilisé ? L’édito Opinion Outre-mer de Michel Taube

 

CTM fonds européens gabegie

C’est un chiffre qui claque comme une gifle. 238 millions d’euros. Voilà, selon Max Orville, ancien député européen et président du MoDem Martinique, ce que la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM) aurait laissé repartir à Bruxelles faute de les avoir utilisés dans les temps. Un montant colossal, qui aurait dû irriguer le développement économique, social et agricole de l’île. À la place, ce serait, selon lui, un exemple criant de gabegie administrative et politique.

Pendant des mois, Max Orville n’a cessé d’alerter : dans les médias, dans des colloques, auprès des institutions. Il a dénoncé l’incapacité chronique de la CTM à mobiliser les fonds européens – pourtant vitaux pour une région aussi dépendante des aides extérieures. Et voilà que ses prédictions, qualifiées jadis de « politiques » ou de « mensongères » par la majorité territoriale, se confirment chiffres à l’appui : 163,8 millions d’euros de FEDER, 13,2 de FSE et 61,3 de FEADER non utilisés, selon les données européennes qu’il brandit.

Face à cela, la CTM se défend, chiffres à l’appui elle aussi. Elle parle de programmation au-delà de 100 % pour certains fonds, rappelle que les délais de clôture ne sont pas tous atteints – notamment pour le FEADER –, et accuse l’ancien eurodéputé de diffuser de fausses informations. La vérité est peut-être entre les deux. Mais un fait reste incontestable : à ce jour, une part non négligeable des fonds européens n’a pas été convertie en projets concrets pour les Martiniquais. Et ce n’est pas faute de besoins !

Gouverner, c’est délivrer. Et la transparence ne saurait masquer un taux de consommation final largement inférieur à celui des autres régions ultrapériphériques françaises. Pourquoi les autres y arrivent-ils mieux que la Martinique ? Pourquoi tant de porteurs de projets, d’agriculteurs, d’associations, se heurtent-ils à des labyrinthes administratifs kafkaïens et à des services souvent débordés, voire découragés ?

Là où le MoDem avance des propositions concrètes – guichet unique, observatoire budgétaire, accompagnement des porteurs de projets, coopération renforcée avec l’État et Bruxelles –, la CTM se crispe, se braque, accuse. Mais les Martiniquais, eux, attendent des résultats. Pas des duels de communiqués.

Une telle situation n’est pas qu’un échec technique. C’est une faute politique. Une région où près d’un quart de la population vit sous le seuil de pauvreté ne peut se permettre de renvoyer à l’envoyeur 238 millions d’euros censés améliorer le quotidien. Si ce n’est pas de l’incompétence, alors c’est de l’irresponsabilité. Et si ce n’est pas de l’irresponsabilité, y aurait-il cavalerie financière, détournements de fonds, cessation de paiement de la collectivité comme il se murmure de p^lus en plus ?

Faudra-t-il ouvrir une voie judiciaire pour sauver la CTM et faire la lumière sur ce gâchis européen sous le soleil des Antilles ? Rappelons que l’article 40 du Code de procédure pénale invite tout fonctionnaire ou autorité publique à signaler aux autorités judiciaires toute infraction dont il a connaissance dans l’exercice de ses fonctions. Des idées pour certains ?

Il est grand temps de remettre de l’ordre dans la maison Martinique. Et si l’exécutif local ne peut le faire, alors que la justice, les citoyens et l’Union européenne reprennent la main.

 

Michel Taube

Directeur de la publication

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