
Madame Catherine Rodap, présidente du MEDEF Martinique,
Madame Céline Rose, présidente de la CPME Martinique,
Monsieur Philippe Jock, président de la CCI Martinique,
Monsieur Henri Salomon, président de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat – Martinique,
Monsieur Patrick Martin, président du MEDEF
Monsieur Amir Reza-Tofighi, président de la CPME,
Monsieur Joël Fourny, président de la CMA (Chambre des Métiers et de l’Artisanat) France,
Mesdames, Messieurs,
Depuis 2024, en Nouvelle-Calédonie et en Martinique, des entrepreneurs ont été attaqués, vilipendés, leurs biens détruits, les collaborateurs et dirigeants (ainsi qu’un préfet) menacés de mort. Ils n’ont touché presque aucune indemnité assurancielle et ont vu leurs primes d’assurance annulées ou exploser, les mettant aussi en péril. Les entrepreneurs sont les cibles et les bouc-émissaires d’attaques idéologiques et politiques permanentes.
Malheureusement, en annonçant un projet de loi Outre-mer sur la vie chère, le ministre d’Etat, ministre des Outre-mer, a repris à son compte une revendication démagogique face à un problème structurel, lancée par des semeurs de haine six mois plus tôt.
Pire, Manuel Valls, en visite en Martinique en mars dernier, a osé rencontrer le RPPRAC, leader de la violence des mois précédents, et ne visiter aucune entreprise dont les locaux avaient été détruits par les émeutiers à l’automne 2024. Et ceci, alors même qu’il s’y était engagé devant la CCI le matin même de sa visite.
De même, lors de ce même déplacement, le ministre a promis aux entreprises martiniquaises un fonds de 10 millions d’€ pour couvrir une infime partie des dégâts occasionnés à l’automne dernier. L’enveloppe se serait-elle perdue dans les méandres de la machine administrative ?
En Martinique comme au niveau national, la réponse patronale a-t-elle été à la hauteur depuis les violences d’il y a presque un an ? L’a-t-elle été en mars dernier, lors de cette double faute commise dans l’agenda du ministre en Martinique ? L’est-elle aujourd’hui ?
Une loi vaine et injuste ?
Car, aujourd’hui, l’heure est plus grave qu’en mars : celui que nous surnommons le Premier ministre des Outre-mer propose donc au gouvernement d’adopter le 30 juillet prochain un projet de loi contre la vie chère, présentée comme la grande affaire des Outre-mer.
Ce projet de loi est une fausse bonne idée. Il repose sur une vision erronée de l’économie et appliquera de vieilles recettes bureaucratiques qui ont déjà échoué. Rappelons les faits : à la suite des évènements de 2009 aux Antilles, après deux avis de l’Autorité de la Concurrence, en 2009 et en 2019, la nomination d’un Délégué Interministériel à la Concurrence Outre-Mer (2018), trois lois pour le développement économique Outre-Mer (2009, 2012 et 2017), une mission d’information à l’Assemblée Nationale (2020), une commission d’enquête parlementaire (2023), deux études du CESE (2020, 2023), la vie a-t-elle été moins chère dans les Outre-mer grâce à toutes ces mesures ?
Pourquoi donc, plutôt que de suivre le dernier rapport de l’INSEE, le ministre préfère-t-il écouter des démagogues qui ont un rétroviseur à la place du cerveau et une méconnaissance coupable de l’économie, des conseillers plus ou moins occultes tels un Max Dubois sans titre et manifestement aigri, et des députés socialistes et LFI, minoritaires au Parlement ?
Le ministre Valls le sait pourtant, et l’INSEE l’a confirmé il y a une semaine, comme de nombreux enquêtes et contrôles ces dernières années, que les entreprises martiniquaises pratiquent des marges plus faibles que dans l’Hexagone et qu’il n’existe pas de marges abusives.
Telle est la vérité qui dément les contre-vérités démagogiques qui circulent sans cesse et que le ministre a reprises à son compte.
Ce projet de loi prétend s’attaquer aux prix ? Il s’attaque en réalité aux entreprises. Et pas qu’aux plus puissantes ! Car seules les plus grosses entreprises, que le ministre se permet de dénoncer parfois de façon vexatoire et injuste (elles seraient même, selon une de ses sorties récentes en Seine-Saint-Denis, une survivance de l’esclavage), pourront suivre les nouvelles obligations normatives et administratives imposées par la loi. Les petits et moyens (de taille) commerçants, distributeurs et entrepreneurs seront, eux, encore plus handicapés, freinés voire entravés pour tenir les nouvelles obligations légales prévues dans la future loi Valls ou dans la circulaire ministérielle qui vient de paraître.
En fait, le projet de loi est biaisé car il dénonce des marges imaginaires. Il fait diversion et élude la vraie question : pourquoi la vie est-elle chère dans les Outre-mer ?
Oui à une grande loi d’adaptation et de développement économique
Or les solutions existent pour un développement économique des territoires d’Outre-mer et pour répondre aux dossiers de fond des douze territoires ultramarins : tourisme, agriculture, industrie, économie bleue, voilà les vrais chantiers économiques…
Développer la concurrence, le commerce et la richesse de tous les Outre-mer exige un allégement – simplification choc, une grande adaptation du droit national et européen aux Outre-mer (idée que porte le Sénat depuis des mois), et des mesures audacieuses (clause de la nation la plus favorisée, zones franches sociales ou fiscales, partielles ou totales, continuité territoriale, réforme profonde de l’octroi de mer…) qui relanceraient l’économie et augmenteraient ainsi les revenus des citoyens ultramarins.
Il est temps, il est encore temps que les forces du monde patronal, représentées par vous, Mesdames, Messieurs les dirigeants patronaux, demandent au gouvernement de revoir sa copie et abandonne ces fausses solutions, comme le pensent de nombreux chefs d’entreprises, des élus de la République et, nous en sommes sûrs, d’éminents membres du gouvernement.
Ne laissons pas une loi punitive prendre le pas sur une stratégie de développement économique durable ! Manuel Valls aurait pu – et peut encore – attacher son nom à une grande loi Outre-mer comme ce fut le cas avec la loi Pons de 1986. Se faisant, il aurait une majorité au Parlement.
En attendant, avec l’actuelle loi Valls, la vie restera toujours aussi chère dans les Outre-mer.
Michel Taube




















