Opinion Outre-Mer
18H11 - jeudi 24 juillet 2025

Dans les Outre-mer, la Cour internationale de justice ouvre-t-elle une brèche climatique ? L’édito de Michel Taube et Patrice Clech

 
Martinique : la Cour internationale de justice ouvre une brèche climatique

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Les territoires les plus exposés au chaos climatique n’auront pas attendu La Haye pour sonner l’alerte. Mais cette fois, c’est la plus haute juridiction de l’ONU qui enfonce le clou. Le 23 juillet 2025, la Cour internationale de justice a rendu un avis consultatif qui pourrait marquer un tournant : les États ont désormais des obligations juridiques claires en matière de climat, non seulement envers leurs citoyens, mais aussi envers les peuples et territoires affectés par leurs émissions. Une reconnaissance inédite, et un levier potentiellement décisif pour des régions comme la Martinique.

L’avis ne condamne personne. Il ne distribue pas d’amendes ni de sanctions. Il rappelle simplement que le dérèglement climatique n’est pas une abstraction, mais la conséquence directe de politiques humaines, économiques et industrielles. Et qu’à ce titre, il engage la responsabilité des États. Pas dans un futur lointain, mais ici et maintenant. Pour les grandes puissances émettrices, c’est un sérieux avertissement. Pour les petits territoires insulaires, c’est peut-être la première vraie légitimation de leurs combats.

Car sur les rives des Outre-mer, la réalité ne se lit pas dans les rapports d’experts : elle s’éprouve chaque jour. Le sable recule, rongé par une mer trop chaude. Les saisons changent de visage. Les sécheresses inattendues se multiplient. Les cyclones frappent plus fort et plus souvent. L’air est régulièrement obscurci par les brumes sahariennes, et les plages s’asphyxient sous les sargasses. Pourtant, les émissions locales sont dérisoires. La Martinique ne pèse rien dans le dérèglement climatique mondial. Mais elle en subit toutes les conséquences.

Ce que l’avis de la Cour change, c’est la possibilité d’exiger autre chose qu’un silence poli. Il donne aux territoires d’Outre-mer une arme symbolique mais puissante pour interpeller l’État français, l’Union européenne et l’ensemble de la communauté internationale. La solidarité ne peut plus se limiter à des discours. Elle doit se traduire par des moyens : financement de la transition énergétique, renforcement des infrastructures, adaptation des politiques agricoles et urbanistiques, relocalisation des habitants en zones à risques, protection active de la biodiversité. Loin d’être des options, ces mesures deviennent des obligations morales, juridiques et politiques.

Mais la question ne s’arrête pas à la redistribution. Elle touche aussi à la gouvernance. Comment continuer à subir les conséquences de décisions prises à Paris ou Bruxelles, sans pouvoir y opposer un droit à la différenciation ? L’autonomie environnementale n’est plus un luxe, mais une nécessité. La Martinique doit pouvoir décider de ses choix climatiques, adapter ses normes, ses priorités, ses investissements. Sans cela, elle restera une victime sans recours.

Le climat ne négocie pas. Ce qui s’ouvre aujourd’hui, c’est une dernière fenêtre pour agir. L’avis de la CIJ ne sauvera personne par lui-même. Mais il peut servir de fondement à une revendication politique claire : le droit à une justice climatique. Ce droit, les douze territoires ultra-marins doivent le porter. Non comme un caprice local, mais comme une urgence globale. Ce qu’elle vit en première ligne n’est pas une exception tropicale. C’est une préfiguration. Si rien ne change, les images de son quotidien deviendront celles du monde entier.

 

Patrice Clech et Michel Taube

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