Opinion Business
11H23 - mercredi 7 mai 2025

L’Union européenne a tué notre industrie automobile. Il est encore temps de sauver les “meubles”. L’édito Opinion Business de Michel Taube

 
industrie automobile union européenne

 

L’Europe a-t-elle signé l’arrêt de mort de son industrie automobile ? Si la question paraît brutale, elle n’est pourtant plus provocatrice : elle a été posée, sans détour, par deux des plus grands patrons du secteur, Luca de Meo pour Renault et John Elkann pour Stellantis, dans une interview commune au Figaro le 6 mai dernier, aussi lucide qu’alarmante. Leur message est clair : si rien ne change, 2025 sera l’année du point de non-retour pour la voiture européenne.

Ce que dénoncent les deux industriels, ce n’est pas la transition écologique en elle-même, mais la manière dogmatique, technocratique et suicidaire dont Bruxelles la met en œuvre. Le cap du tout-électrique à l’horizon 2035, est devenu un dogme mortifère. Les normes s’empilent, les coûts explosent, les petites voitures – populaires, donc essentielles – deviennent invendables. En Europe, une Clio coûte 40 % de plus qu’il y a dix ans, non pas à cause de l’innovation, mais à cause de la réglementation. Pendant ce temps, la Chine inonde le marché avec des modèles électriques à bas coût et les États-Unis protègent leur industrie à coups de décrets présidentiels.

Le constat est implacable : l’Union européenne fabrique des normes, mais pas de croissance. Elle impose des règles absurdes, comme traiter une voiture citadine comme une limousine dans les crash-tests, ou exiger des équipements surdimensionnés sur des modèles qui roulent en ville. Résultat : une chute libre des ventes, une désindustrialisation programmée et des centaines de milliers d’emplois menacés. Luca de Meo et John Elkann ne réclament pas des subventions : ils demandent une politique industrielle. Juste ça. Une vision, un cap, un cadre stable pour investir, produire, vendre.

Le plus tragique dans cette histoire ? L’Europe était un géant mondial de l’automobile. Elle pourrait encore le rester. La France, l’Italie, l’Espagne sont les terres naturelles de la voiture populaire. Mais face au rouleau compresseur réglementaire bruxellois et à la stratégie ultra-premium des constructeurs allemands, ce modèle disparaît. Il est temps de le sauver. Comme l’expliquent les deux patrons, il faut une différenciation réglementaire pour les petits véhicules, une neutralité technologique, une simplification drastique des normes, et surtout un retour au bon sens économique.

Le marché ne veut pas de ce que Bruxelles veut lui vendre. Les Européens veulent des voitures abordables, fiables, adaptées à leur usage. Ce n’est pas trop demander. Et ce n’est pas impossible à produire – si l’on laisse les industriels travailler. Encore faut-il que les dirigeants politiques se décident à écouter ceux qui, eux, connaissent le terrain.

Si l’Union européenne veut renouer avec les opinions publiques, avant que les électeurs de pays en rupture comme la Roumanie ou la Slovaquie ne viennent bloquer un édifice déjà si fragilisé, il faut revenir sur les engagements du tout-électrique pris pour 2035. Il faut relancer une industrie automobile mixée en termes d’énergie qui créera des emplois et assurera une ressource moins dépendante de la Chine. Le couple franco-allemand, relancé avec l’arrivée au pouvoir du chrétien-démocrate Friedrich Merz, a du pain sur la planche.

Il n’est pas trop tard mais l’heure de vérité a sonné. L’Union européenne doit changer de trajectoire pour sauver nos joyaux industriels et se sauver elle-même par la même occasion.

 

Michel Taube

Directeur de la publication