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15H34 - vendredi 7 mars 2025

Quand les femmes prennent les commandes. La chronique de Magali Rebeaud

 

Si de nombreuses femmes ont marqué – et marquent encore – l’histoire de l’aviation, faisant souvent figure d’héroïnes, cet univers reste encore aujourd’hui largement dominé par les hommes.

Le formatage social, toujours bien ancré, mène parfois la vie dure aux rêves…

Au début du 20ème siècle, être aviatrice était un véritable exploit.

Entre 1910 et 1914, quinze femmes obtiennent leur brevet de pilote d’avion. Durant cette même période, plus de 1600 brevets sont délivrés à des hommes.

Raymonde de Laroche

Raymonde de Laroche, Hélène Dutrieu, Hélène Boucher, Marie Marvingt, Adrienne Bolland, Amelia Earhart, Jacqueline Auriol… si certaines, ont atteint une renommée mondiale, d’autres sont tombées dans l’oubli. Mais toutes, bravant les préjugés, ont fait preuve d’audace et de volonté sans faille.

Comme le souligne Bernard Marck (grand historien de l’aviation, journaliste et auteur) dans son ouvrage « Elles ont conquis le ciel » : « Ces femmes ont dû affronter des écueils souvent plus dangereux que les périls déjà liés aux caprices de la mécanique ou de la météo : le sexisme, la jalousie, la mauvaise foi… »

Elles ont brisé les barrières de leur époque. Et elles ont su aussi inspirer de nombreuses jeunes filles.

 

10% de femmes pilotes

Toutefois, aujourd’hui encore, les femmes représentent en France seulement 10% des pilotes licencié(e)s privé(e)s et professionnel(le)s, selon les chiffres donnés par l’Association Française des Femmes Pilotes.

C’est d’ailleurs seulement en 1968 qu’une femme intégra pour la première fois une compagnie aérienne en France. Il s’agissait de Jacqueline Dubut à Air Inter. Et en 1975, Danièle Decuré fut la première femme à devenir commandant de bord à Air France.

À l’heure actuelle, la plupart des compagnies aériennes s’engagent dans une série d’initiatives en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, à l’exemple d’Air France.

La compagnie nationale est d’ailleurs plutôt fière de la mixité dans ses rangs, avec 46,1% de femmes. Notons d’ailleurs que depuis 2018, Anne Rigail est directrice générale d’Air France et Anne-Marie Couderc, Présidente du Conseil d’administration d’Air France-KLM.

On constate cependant de réels écarts selon les métiers.

Côté PNC, personnel navigant commercial (hôtesses, stewards), on compte 66 % de femmes. Et dès que l’on regarde dans le cockpit, les chiffres dégringolent à 9% ! 3 515 pilotes hommes, 351 pilotes femmes.

 

J’aborde toujours les vols en tant que pilote et non en tant que femme !

Alors comment se sentent ces femmes en minorité aux postes de commandant de bord ou d’officier pilote de ligne, dans les compagnies aériennes françaises, comme étrangères ?

© Agence Audiovisuelle Air France.

« Petite fille, je voulais être hôtesse de l’air et accompagner mon père pilote. Mais à l’adolescence, le côté technique a commencé à m’attirer ». Après un bac scientifique, Juliette* obtient une maîtrise de physique, avant de réussir le concours des cadets d’Air France qui permet d’accéder à une formation entièrement financée par la compagnie. Formation à l’issue de laquelle elle a donc été embauchée directement. Aujourd’hui elle pilote des Airbus A330 et A350.

« J’ai eu la chance de ne jamais rencontrer de difficultés pour m’imposer dans ce secteur. J’étais sûre de mon choix et déterminée à y arriver. Et j’ai toujours travaillé avec des personnes bienveillantes. En fait, j’aborde toujours les vols en tant que pilote et non en tant que femme. »

Elise* souligne d’ailleurs que la compagnie aérienne pour laquelle elle travaille ne fait aucune différence entre homme et femme, au niveau du salaire par exemple. « Lorsque j’ai commencé, j’étais à la fois très jeune et une femme, ce qui a pu déplaire ou provoquer une certaine défiance chez de très rares collègues. Il faut s’habituer à faire partie d’une minorité. On peut parfois se sentir « attendue » dans notre performance. Et surtout, on sait qu’on ne passe pas inaperçue ! Mais les relations avec les autres personnels navigants sont globalement excellentes. Et ma priorité est de maintenir une confiance réciproque. »

 

L’une des bases du métier de pilote est le compagnonnage

Alors pourquoi toujours si peu de femmes aux commandes ? Essentiellement à cause de ce fameux « formatage social », des préjugés, des stéréotypes. Comme pour beaucoup de métiers, les jeunes filles s’en font des idées, souvent fausses et n’osent pas se lancer dans cette voie.

Pourtant, assure Léa* « je n’ai rencontré aucune difficulté particulière avec les collègues-hommes. Comme j’ai commencé très jeune, ils étaient en fait très paternalistes et bienveillants. »

Il faut par ailleurs savoir que l’une des bases du métier de pilote est le compagnonnage. « Nous en apprenons tous les jours des autres ! » souligne Juliette.

« Et si jamais nous rencontrons un problème, au cours de la formation par exemple, nous pouvons en parler à une collègue et ce, sans avoir peur de son jugement. »

Le point difficile reste bien sûr l’organisation de la vie personnelle dès que l’on a fondé une famille.

Dans une compagnie comme Air France, dès leur arrivée en ligne les pilotes sont inscrits sur une liste de séniorité et leur place ne bouge pas jusqu’à leur départ à la retraite. Cela leur permet donc, s’ils/elles le souhaitent, de faire des pauses familiales sans que leur carrière ne soit trop impactée.

Et puis comme l’ajoute Juliette, « la clé reste une bonne organisation et un conjoint « solide » sur lequel on peut compter quand on part plusieurs jours de la maison. » Mais sur ce point, la situation est identique en tant qu’hôtesse de l’air…

 

Une quinzaine de femmes pilotes de chasse

À l’exemple de Virginie Guyot (découvrez son interview dans nos colonnes), première femme au sein de la Patrouille de France (et de surcroît leader !), certaines femmes rêvent d’intégrer l’armée de l’Air et de l’Espace et devenir pilote de chasse ou pilote militaire.

Isabelle Bossaert, en 1985, fut la première pilote militaire dans l’armée de l’Air.
Et c’est en 1999 que Caroline Aigle reçut son « macaron » et devint à 25 ans la première femme pilote de chasse française.

Colonel Nathalie Picot, © Patrick Le Minoux / armée de l’Air et de l’Espace

« L’armée de l’Air et de l’Espace, résolument engagée dans la mixité, compte aujourd’hui 25% d’aviatrices dans ses rangs, ce qui en fait l’armée la plus féminisée », déclare la colonel Nathalie Picot, commandant de la base aérienne 106 de Bordeaux-Mérignac.

Le pourcentage de femmes personnel navigant (PN) est quant à lui de 10%. Parmi elles, une trentaine de femmes font parties des « PN chasse », sur un total d’un peu plus d’un millier. On compte ainsi aujourd’hui une quinzaine de pilotes de chasse, 4 pilotes instructeurs et une quinzaine de navigateurs officiers systèmes d’armes (NOSA). Concernant les PN de transport ou d’hélicoptères, elles sont un peu plus de 80 sur un total d’environ 1 100. Les mécaniciennes et techniciennes Système d’information communication représentent quant à elles 15% des effectifs.

« Source de performance collective, notre armée cherche à continuer d’attirer de nouveaux talents féminins vers les métiers de l’aéronautique militaire. La diversité des talents est un atout majeur pour notre secteur et il est essentiel que les jeunes filles puissent se projeter dans ces carrières avec confiance et ambition », poursuit la colonel Nathalie Picot.

Les enjeux comme les stratégies, mais aussi les regards et les paroles ont changé. Le « machiste » est devenu parfois taquin. Mais le sexiste a su a priori, majoritairement, se faire oublier.

Admettons tout simplement que la compétence en matière de pilotage ne se résume pas à une simple affaire de virilité.

Et retenons ce que souligne Bernard Marck dans son ouvrage, « sans les femmes, l’histoire de la conquête de l’air manquerait singulièrement de saveur ! »

 

*prénom modifié, devoir de réserve oblige

 

Magali Rebeaud, 
journaliste spécialisée Aéronautique, Spatial et Tourisme

Brisons les préjugés, une bonne fois pour toutes !

Les femmes seraient trop émotives pour diriger un pays, trop fragiles pour être pompiers, trop distraites pour exceller en mathématiques. Ah, ces vieux clichés qui collent à la peau comme un chewing-gum…