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16H43 - mercredi 5 mars 2025

Y a-t-il une pilote dans l’avion ? La chronique du général Marc Alban

 

La question revient régulièrement : pourquoi y a-t-il encore si peu de femmes pilotes, tant dans l’aviation civile que militaire ? Bien qu’un progrès notable ait été accompli ces dernières années, force est de constater que les femmes restent largement sous-représentées dans les cockpits.

Il y a quelques années encore, les femmes pilotes de ligne étaient une rareté. Je me souviens de mon amie, pilote de Concorde, qui était perçue comme un véritable phénomène, mais aussi admirée pour son expertise. Un autre souvenir marquant : un vol où l’équipage était à 100% féminin. J’ai vu les regards surpris des passagers, certains intrigués, d’autres un peu inquiets. Une réaction que l’on ne rencontre plus aussi fréquemment aujourd’hui, mais qui démontre à quel point le secteur est encore marqué par des stéréotypes de genre.

L’image du pilote de ligne « macho » commence à se fissurer, et les femmes prennent peu à peu place aux commandes. Mais, bien que la présence féminine dans le cockpit soit de plus en plus visible, l’image traditionnelle de l’homme-pilote et de la femme-hôtesse reste tenace. En revanche, en ce qui concerne les pilotes de chasse, la situation est encore plus complexe. Leur nombre reste marginal, malgré des femmes déterminées, compétentes et passionnées, prêtes à bousculer les idées reçues.

Le changement est en marche, comme en témoigne la récente promotion de l’École de l’Air & de l’Espace, où douze élèves officiers féminins ont été formées. Un événement impensable il y a à peine dix ans.

Quant aux astronautes, bien que le nombre de femmes soit encore inférieur à celui des hommes, la proportion reste relativement élevée comparativement à d’autres domaines. Certaines femmes ont même joué un rôle crucial dès les premiers pas de l’aventure spatiale.

L’histoire des premières astronautes américaines est fascinante, et de nombreuses figures féminines ont œuvré en coulisses, comme le montre le film Les Figures de l’ombre, qui raconte le travail des mathématiciennes ayant contribué aux succès de la NASA.

Les raisons de cette sous-représentation des femmes dans les métiers aériens et spatiaux sont multiples et complexes. L’une des principales difficultés réside dans les stéréotypes persistants. Encore aujourd’hui, beaucoup de jeunes pensent que le métier de pilote est exclusivement masculin. Certains estiment que les femmes manquent de la « résistance » physique requise, surtout pour les pilotes militaires, alors qu’il est largement prouvé que les femmes peuvent exceller dans des environnements exigeants. D’autres remettent en question la légitimité des femmes dans des secteurs où elles sont encore minoritaires, notamment dans le domaine militaire, souvent perçu comme plus agressif et difficile d’accès.

La conciliation entre vie professionnelle et familiale constitue également un obstacle pour de nombreuses femmes. Les horaires décalés, les absences prolongées et les exigences physiques de ces métiers peuvent paraître contraignants. De plus, certaines femmes redoutent que leur carrière soit freinée par une grossesse, une crainte qui n’est pas entièrement infondée dans un secteur où la mobilité est essentielle.

La question de l’éthique soulève également des doutes chez certaines aspirantes pilotes militaires. Le principe de devoir parfois mener des missions de combat, voire de tuer, est un dilemme moral qui peut décourager certaines femmes de poursuivre cette voie.

La féminisation des métiers de l’aviation : un enjeu crucial

Pourtant, il est essentiel que les métiers de l’aviation et de l’aéronautique se féminisent. Non seulement parce que le besoin en pilotes civils et militaires, ainsi qu’en professionnels de l’espace, continue d’augmenter, mais aussi pour garantir une représentation équitable dans des secteurs en pleine expansion. Aujourd’hui, seulement 10 % des pilotes sont des femmes, selon l’Association française des femmes pilotes. Pourtant, ce pourcentage doit impérativement augmenter pour que l’aviation et l’aéronautique puissent pleinement bénéficier de l’énorme potentiel que les femmes apportent dans ces domaines.

Un changement profond doit s’opérer, non seulement en termes de visibilité et de formation, mais aussi au niveau du recrutement et de la promotion des carrières féminines. Encourager les jeunes filles à se projeter dans des métiers traditionnellement masculins, comme celui de pilote ou d’astronaute, est plus que jamais nécessaire. Les mentalités évoluent, et les femmes sont prêtes à répondre présentes dans les cockpits et au-delà, prêtes à réécrire l’histoire de l’aviation et de l’espace.

 

Général Marc Alban, 
ancien Directeur du Musée de l’Air et de l’Espace
Chef de rubrique « A ciel ouvert »

Brisons les préjugés, une bonne fois pour toutes !

Les femmes seraient trop émotives pour diriger un pays, trop fragiles pour être pompiers, trop distraites pour exceller en mathématiques. Ah, ces vieux clichés qui collent à la peau comme un chewing-gum…