Ex-pilote de chasse et leader de la Patrouille de France en 2010. Aujourd’hui conférencière professionnelle.
Diplôme d’ingénieur aéronautique de l’École de l’Air en poche, Virginie Guyot est brevetée pilote de chasse en 2001. À 25 ans, elle devient la première femme affectée sur Mirage F-1CR, avion de combat monoplace de reconnaissance tactique et d’appui-feu. Chef de patrouille à 29 ans, puis commandant d’escadrille, elle sera choisie par ses pairs en 2008, à seulement 31 ans, pour rejoindre les rangs de la Patrouille de France. Elle devient alors la première femme à intégrer cette unité prestigieuse. Et un an plus tard, elle en prend le commandement et devient ainsi la première femme au monde, à diriger une patrouille acrobatique nationale.
Après une année passée en tant que leader de la PAF, elle rejoindra l’état-major de l’armée de l’air. Virginie est aujourd’hui Colonel de réserve et propose des conférences en France et à l’étranger au cours desquelles elle partage son expertise exceptionnelle en matière d’engagement, de dépassement de soi, ou bien encore de leadership.
C’est avec une humilité particulièrement touchante que Virginie nous parle de son parcours, de sa carrière unique en son genre et nous délivre un témoignage inspirant.

Crédit photo : Arnaud Robin /EPPDCSI.
Magali Rebeaud : Comment vous est venue cette envie de devenir pilote de chasse ? Était-ce un rêve d’enfant ?
Virginie Guyot : Il y a eu un élément déclencheur, lorsque j’étais en classe de 4ème.
J’étais en pension à l’époque et un dimanche, on m’a proposé d’effectuer un baptême de l’air. Je n’avais jamais pris l’avion et j’ai trouvé cela magique ! L’occasion de voler de nouveau ne s’est jamais représentée avant que je n’entre dans l’armée de l’Air et de l’Espace. Mais ce vol est resté gravé dans ma mémoire. L’envie de devenir pilote militaire s’est façonnée durant mon adolescence. Il n’y avait pas de longue lignée militaire dans la famille, mais mon père a fait Saint-Cyr et a été Général. Il était par ailleurs fasciné par l’aviation et passionné d’histoire. Mes parents se sont ainsi attachés à nous enseigner le devoir de mémoire, à nous ouvrir l’esprit, à nous faire découvrir des lieux tels que les plages du débarquement, les tranchées de Verdun, les cimetières militaires. Le fait d’avoir visité tous ces lieux historiques m’a transmis ces valeurs de courage. J’étais extrêmement admirative de tous ces soldats qui ont donné leur vie pour que l’on puisse vivre dans un pays libre aujourd’hui. Cela m’a toujours habité.
Certaines lectures m’ont aussi marqué et probablement inspiré, en particulier celui de Valérie André (Général, médecin militaire et pilote d’hélicoptère), ainsi que l’ouvrage « Les sorcières de la nuit », cette histoire incroyable des aviatrices soviétiques pendant la Seconde Guerre mondiale. Et puis, je suis de la génération Top Gun ! Probablement là encore une source d’inspiration.
Avez-vous rencontré des difficultés à vous imposer dans ce secteur plutôt « masculin » ?
Le point essentiel est que je n’ai jamais cherché à m’imposer. J’ai « simplement » fait en sorte de m’intégrer au mieux.
Des difficultés, je mentirais si je disais qu’il n’y en avait pas. Par exemple, lorsque j’ai passé le concours de l’école de l’air, à l’époque il y avait des quotas et il n’y avait qu’une place pour les filles en tant qu’élèves-pilotes. Il y avait donc certains freins.
Mais j’ai toujours considéré que mon parcours dans l’armée de l’Air, ce n’était pas du tout le combat d’une femme dans un milieu d’hommes. Au départ, c’était plutôt un combat contre moi-même ! C’est-à-dire que ce métier est tellement sélectif et exigeant que mon premier combat était de réussir à devenir pilote de chasse.
Comment s’est passée votre intégration en tant que pilote de chasse ?
Lorsque je suis arrivée sur la base aérienne de Reims, j’ai été affectée à l’Escadron de Reconnaissance 2/33 « Savoie », sur Mirage F-1CR, on ne m’a évidemment pas accueillie avec un tapis rouge, parce qu’on n’accueille aucun jeune pilote ainsi !
Mais je n’ai senti aucune discrimination, ni négative, ni positive d’ailleurs. Ce qui m’a beaucoup aidé et beaucoup plu. On m’a considérée comme un pilote. Un pilote comme les autres.
Ce qui m’a aidée, je pense, dans ma carrière, c’est de me considérer moi-même comme n’importe quel autre pilote. Et d’essayer d’agir et de réfléchir comme un pilote.
Je n’ai pas cherché à me comporter comme un homme, ni à mettre en avant la singularité d’être une femme dans ce milieu masculin.
Alors, évidemment, ça reste un milieu très taquin. J’ai donc eu droit à quelques petites blagues, mais finalement comme n’importe quel autre pilote. Je me suis rendue compte qu’être une femme était une différence comme une autre.
En tant que la première et seule femme au sein de la Patrouille de France et de surcroît leader, comment avez-vous été « reçue » et perçue ? Et comment avez-vous vécu cette période ?
À la PAF, on y arrive par cooptation. Donc, j’ai rejoint la Patrouille car l’équipe m’a choisie. L’intégration n’a donc pas été particulièrement difficile, d’autant que j’avais, en quelque sorte, déjà fait mes preuves en tant que pilote de chasse. J’avais été commandant d’Escadrille sur Mirage F1, avec des opérations extérieures.
Évidemment, techniquement, c’est une nouvelle épreuve. Et humainement, il faut réussir à s’intégrer. En fait, nous avons toujours des choses à prouver. Et intégrer la Patrouille de France était un nouveau défi. Mais pas du tout en tant que femme. Un défi en tant que pilote.
J’ai vécu deux années incroyables que j’ai adorées. Il faut dire que j’avais une équipe fantastique !
Pourquoi d’ailleurs y a-t-il si peu de femmes pilote militaire / de chasse ? Est-ce particulièrement plus difficile physiquement, éprouvant… en tant que femme ?
Les vols sont certes éprouvants, mais les avions modernes ne demandent pas de force physique particulière. Ils requièrent une certaine résistance et une bonne endurance, mais de cela, les femmes en sont très bien dotées. Donc, en fait, je ne crois pas que ce soit plus difficile pour une femme que pour un homme, à partir du moment où l’on a une bonne hygiène de vie.
C’est le mental qui fait la différence, car il y a des épreuves à surmonter, des échecs, des doutes, de la pression. Mais c’est un métier exaltant !
Quels conseils donneriez-vous à une jeune femme souhaitant devenir pilote militaire/de chasse ?
Il s’agit en fait de conseils que je donne aux jeunes gens, que ce soit des jeunes hommes ou des jeunes femmes.
Ces métiers font rêver et paraissent parfois inaccessibles, mais ce n’est pas le cas.
Il ne faut pas se mettre de barrière, parce qu’on est souvent son premier ennemi.
Mais il faut se donner les moyens d’y arriver. Alors cela passe par le travail bien sûr, mais aussi en sachant s’entourer de personnes qui vont vous faire grandir, qui vont vous inspirer.
Il ne faut rien lâcher et croire en ses rêves !