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07H00 - jeudi 29 juin 2023

Chronique d’une nuit d’émeutes dans la cité Picasso à Nanterre… Le récit de Radouan Kourak

 

Après la mort du jeune Nahel tué mardi par un policier suite à un refus d’obtempérer, nombre de quartiers français se sont embrasés.

J’ai décidé de passer la soirée et une partie de la nuit du mercredi 28 au jeudi 29 juin dans la cité Picasso à Nanterre, ville dont était originaire le jeune homme tué.  La tension est montée crescendo jusqu’à ce que la situation devienne absolument incontrôlable. J’ai observé des scènes de chaos à quelques mètres des tours du quartier de la Défense.

22:00 : A mon arrivée dans la cité Picasso, le calme avant la tempête règne encore, les dégâts de la veille sont encore apparents, entre véhicules et mobiliers urbains brûlés. Les murs des barres d’immeubles sont recouverts de tags, on peut y lire : « Justice pour Nahel » mais aussi des messages d’insultes contre les forces de l’ordre et les médias. L’identité du policier incriminé ayant été révélée sur des boucles Telegram la veille, son prénom ainsi que son nom sont aussi tagués. Plusieurs journalistes ont été pris à partie par les riverains les intimant d’arrêter de prendre des photos. Une journaliste reporter d’images me confie être contrainte de filmer à l’iPhone et sans bonnette sur son micro. Au bout de l’avenue Pablo Picasso, tout autour d’un rond-point, les CRS étaient positionnés, à une cinquantaine de mètres, des jeunes sont en train de préparer mortiers, artifices et cocktails molotov.

23:00 : Les policiers commencent à être la cible dans un premier temps d’artifices puis de mortiers. C’est sous un tombereau d’insultes qu’ils se sont réfugiés sous leurs boucliers, ceci dans un premier temps. Des groupes de casseurs ont commencé à se former, équipés de projectiles et d’armes artisanales, et commencent à violemment attaquer les policiers, ainsi qu’à incendier comme la veille des véhicules. C’est à ce moment-là que la situation a commencé à se tendre, obligeant ainsi ces derniers à se déplacer dans l’avenue.

23:30 : Les pompiers sont arrivés sur place et ont éteint les incendies, des jeunes ont tenté de leur barrer la route avec des barricades enflammées. Le quartier s’est à ce moment drastiquement peuplé de voyous, casseurs, anarchistes avec comme mot d’ordre de « casser du flic pour venger Nahel ». Les slogans se font plus directs contre les policiers, avec des « ACAB » pour les anarchistes, « Nique la police » ou « fachos » pour les autres. Certains observateurs plus âgés autour de ces scènes de guerilla, débâtent de leur haine pour les médias, d’autres font l’éloge d’élus insoumis, alors même que le Député Carlos Martens Bilongo avait été pris à partie la veille dans la cité.

00:00 : Le quartier est devenu une zone de non-droit, les policiers ont été victimes de violentes attaques, leurs véhicules ont subi des tentatives d’incendie. Pendant de longues minutes, ils ont clairement reculé face aux très nombreuses offensives. « Ce sont de grosses émeutes, c’est vraiment chaud là » me glissent deux jeunes fonctionnaires de Police.

01:00 : Des personnes extérieures aux affrontements tentant d’accéder à l’avenue Picasso en voiture se voient refuser l’accès. Beaucoup craignent de voir leur véhicule incendié s’il reste garé dans la zone, « c’est du jamais-vu, c’est la guerre, c’est bien pire que Zyed et Bouna », me confie une infirmière habitant le quartier.

Tout au long de la nuit, Nanterre s’est transformé en zone de guerre civile, un centre Enedis a été incendié aux alentours de 04:00. Partout en France des scènes similaires ont pu être observées. Cette nuit la défiance contre les médias était très grande, dans beaucoup de quartiers des collègues journalistes ont été empêchés de travailler.

Des commissariats de police attaqués, des mairies brûlées, des biens publics et privés détruits… L’insécurité a pendant plusieurs heures dominé des quartiers entiers dans de nombreuses villes de France. 150 personnes auraient été interpelées durant cet épisode. 

L’emprise des réseaux sociaux

Les appels aux rassemblements dans les cités ce mercredi soir ont été réalisés via Telegram et Snapchat. Les auteurs de ces actes les ont publiés avec fierté en quasi-direct sur ces même réseaux sociaux, les images ont fortement été relayées. C’est sur Tiktok que la mère de Nahel a appelé à une marche blanche devant la préfecture des Hauts-de-Seine ce jeudi à 14:00. 

Quelques élus ont aussi utilisé les réseaux sociaux mais à des fins de récupération politique : les insoumis ont refusé d’appeler au calme et posté des messages nourrissant la haine anti-flic tandis que d’autres se réjouissent de cette tragédie.

La France se lève ce jour avec des blessures que seul le temps long, peut-être, pourra effacer.

Il y a désormais en France des centaines de territoires perdus de la République où l’État à failli cette nuit à récupérer le contrôle et instaurer l’ordre.

La marche blanche, présentée comme une marche de la colère, degènerera-t-elle aujourd’hui »hui ? De nouvelles nuits d’incidents et de tensions auront-elles lieu dans les jours à venir ?

 

Radouan KOURAK, Rédacteur en chef d’Opinion Internationale